Il y a une idée qui circule souvent quand on parle de positionnement, et que je crois problématique : pour se différencier, il faudrait être absolument unique.
Ça crée beaucoup de stress, je trouve : comme entrepreneurs on pense qu’il faut apporter quelque chose de complètement inédit pour se démarquer de la concurrence. On parle souvent de « proposition de valeur unique » et, tout de suite, on imagine qu’il faut réinventer la roue.
Cette quête de l’unicité peut devenir un véritable piège, bloquant celui ou celle qui cherche désespérément ce qui la rendrait différente des autres.
Et si la différenciation n’était pas une question de proposition de valeur unique, mais plutôt une question de préférence client ?
Différenciation vs. préférence
Car l’unicité absolue, en réalité, n’est ni nécessaire ni même réaliste pour la plupart des entreprises.
Prenez l’exemple de deux boulangeries dans un même quartier. Sont-elles uniques ? Aucunement. Elles vendent toutes les deux du pain, des viennoiseries, des pâtisseries. Et pourtant, chacune d’elles a sa clientèle, fidèle, et au point même, parfois, de congeler le pain plutôt que d’aller chez le concurrent. Pourquoi ? Parce que certains clients préfèrent la baguette croustillante de l’une, tandis que d’autres aiment le pain complet de l’autre, le sourire de la boulangère ou tout simplement parce que celle-ci est plus près que l’autre.
La clé de la fidélité client est là : il s’agit de créer une raison de préférence.
Plutôt que de chercher à être totalement différent de nos concurrents, je crois qu’on a plutôt intérêt à se concentrer sur ce qui fait que certains clients nous préfèrent aux autres.
Notre différenciation, c’est la raison pour laquelle un client va choisir notre offre parmi toutes les autres alternatives. Ça peut être parce qu’on est moins cher, parce qu’on a une offre simple, parce qu’on a une approche qui résonne mieux avec eux, ou même simplement parce qu’ils se sentent bien accueillis chez vous. C’est cette « raison de préférence » qui doit guider le positionnement.
Comprendre son client pour mieux se positionner
Pour arriver à exprimer cette différenciation, il faut avant tout comprendre nos clients. Qui sont-ils vraiment ? Quels sont leurs besoins, leurs attentes, leurs frustrations ? Plus on connaît nos clients, plus on sera capable de répondre précisément à leurs attentes, et d’accentuer ce qui compte pour eux.
Imaginez que vous êtes consultant en management et que vous ciblez des PME familiales. Ce n’est peut-être pas une approche unique – il y a d’autres consultants qui s’intéressent aux PME familiales — mais si vous montrez que vous comprenez les défis spécifiques auxquels elles sont confrontées, si vous parlez précisément des sujets qui les préoccupent en ce moment (comme la transmission générationnelle ou les tensions familiales dans la prise de décision), vous devenez la meilleure option pour elles.
Le but c’est pas d’être différent de tout le monde et pour tout le monde, mais d’être préférablement spécifique pour les bonnes personnes.
La raison de préférence, en pratique
Comment appliquer cette approche ? Je crois qu’il faut commencer par identifier nos meilleurs clients aujourd’hui (par « meilleurs clients », j’entends ceux qui viennent chercher ce que vous faites mieux, et plus facilement, que le reste. Pourquoi vous ont-ils choisi, et pourquoi continuent-ils de travailler avec vous ? Prenez le temps de poser cette question, car elle vous donnera des indices précieux sur ce qui fait de vous la meilleure option pour eux. Est-ce la proximité ? Une expertise particulière ? Un élément de l’offre ? Une relation personnalisée ?
Ensuite, affinez votre message.
Plutôt que d’essayer de plaire à tout le monde, adressez-vous directement à ces clients idéaux en mettant en avant ce qui vous rend spécial à leurs yeux. N’essayez pas de tout dire mais concentrez-vous sur deux ou trois facteurs de préférence majeurs. Ceux qui comptent vraiment pour vos meilleurs clients, ceux qui font qu’ils vous choisissent, encore et encore.
Par exemple, si votre différenciation repose sur le fait que vous êtes spécialisé dans un secteur particulier (comme les dentistes proches de la retraite, les mères récemment divorcées ou les PME familiales en période de transmission), dites-le clairement. Le but est de créer une connexion immédiate avec ceux qui se reconnaissent dans votre discours.
Prenons un exemple concret : imaginez un coach sportif qui se concentre sur les personnes ayant des problèmes de dos. Sa proposition de valeur pourrait être : « Je vous aide à retrouver une mobilité sans douleur, même si vous avez abandonné l’espoir de refaire du sport. »
Ici, le coach ne prétend pas révolutionner le sport. Il ne se différencie pas par des méthodes radicalement nouvelles, mais il s’adresse à un segment précis de clients avec une raison de préférence claire—et c’est suffisant pour attirer les bonnes personnes. Pour rendre ce message percutant, il a choisi deux éléments clés :
- Un bénéfice qui va parler à certaines personnes précisément (mobilité sans douleur),
- Une condition client, ici psychologique, qui va attirer les personnes pour qui la douleur est un obstacle à la pratique sportive à laquelle ils aspirent.
Ces facteurs, bien mis en avant, parlent directement aux personnes concernées et leur donnent une raison claire de préférer ce coach à un autre. Avec le même métier, mais un autre message, il aurait attiré des clients idéaux différents : « Je vous aide à soigner les douleurs chroniques du dos avec des exercices doux et facile à faire chez soi »
Cela simplifie aussi le message : plutôt que d’essayer d’énumérer tout ce qu’il fait, il se concentre sur ce qui a le plus d’impact pour ses clients idéaux.
Trop de différenciation tue la différenciation
Car il y a aussi un danger à vouloir se différencier à tout prix.
Trop de différenciation peut rendre votre offre incompréhensible, voire rebutante. Si vous passez trop de temps à essayer de trouver ce qui vous rend totalement unique, vous risquez de finir par compliquer votre message au point que vos clients potentiels ne savent même plus ce que vous faites vraiment.
Il y a un équilibre à trouver : vous devez être suffisamment spécifique pour attirer votre clientèle idéale, sans pour autant vous rendre hermétique. Parfois, « assez différent » suffit largement pour que vos clients se sentent bien avec vous, pour qu’ils vous préfèrent aux autres. L’important, c’est de leur donner une raison claire et simple de vous choisir.
Se différencier sans forcer
La différenciation, ce n’est pas une quête de l’unicité à tout prix. C’est une quête de préférence.
Il ne s’agit pas de révolutionner le marché, mais de comprendre qui sont vos clients, ce qui les touche, et pourquoi ils devraient vous choisir, vous.
Être le meilleur choix pour un groupe bien défini de personnes est bien plus puissant que d’essayer de paraître unique aux yeux de tous.
Alors, concentrez-vous sur ce qui fait de vous l’option préférée pour vos clients idéaux—et laissez la quête de l’unicité absolue à ceux qui veulent une bonne raison de ne jamais réussir à percer.