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Que sais-je ?

Nous vivons une époque paradoxale

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Eric-Jean Garcia est enseignant à Science Po et auteur de quelques ouvrages sur le leadership. Dans une tribune vidéo sur Xerfi il met en lumière un aspect paradoxale de notre époque : nous n’avons jamais créé ou recueilli autant d’informations et de connaissance sur autant d’aspect du monde et, pourtant, nous n’avons jamais aussi peu compris le monde.

Je lui laisse la deuxième partie de cette affirmation que je ne suis pas en mesure d’évaluer mais cette courte vidéo (moins de 4 minutes) a résonné avec quelques idées ou modèles que j’ai eu envie de vous partager.

Mais commençons, par le commencement : le point de vue d’Eric-Jean Garcia.

Je ne suis pas entièrement d’accord avec ces propos, mais c’est peut-être lié au format Xerfi Canal qui oblige des intervenants, par ailleurs très intéressant, à synthétiser leurs idées en 2 ou 3 minutes. Ici il manque peut-être l’espace pour développer plus longuement chaque point et leurs liens car j’ai été un peu gêné par la juxtapositions d’arguments qui me semblent relever de plans différents.

Le dernier point (nous sommes ignorant car on nous cache des choses) m’intéresse peu car il a peu d’applications pratiques.

Les théories du complot sont certes très satisfaisantes dans notre quête de sécurité (voir à ce sujet l’excellent ouvrage de Rob Brotherton, Suspicious Minds) mais, quand bien même elles sont parfois fondées (si vous ne l’avez pas vu il faut absolument regarder « La fabrique de l’ignorance », sur Arte) nous n’y pouvons pas grand chose, d’une part, et nous y sommes d’autre part peu exposés, j’espère, dans nos propres entreprises. 

En revanche les quatre autres points m’ont fait réfléchir. Comme je tiens à ce que cette newsletter dominicale reste digeste et tienne sous la barre des 5 minutes, je vais m’attacher aujourd’hui au premier point et je vous invite à me partager vos propres réflexions quant aux suivants. J’y reviendrai peut-être dans un autre numéro, à moins que je ne développe ce sujet dans un article de blog. 

L’extension des champs de la connaissance entraine un cloisonnement des disciplines.

Il m’a toujours semblé naturel que, plus on s’intéresse à un domaine, plus on réalise qu’on en sait peu.

C’est un peu comme la flamme d’une bougie ou le cône de lumière d’une lampe torche dans l’obscurité : plus l’éclairage est puissant, plus il fait apparaitre un monde obscur juste au-delà de la portée de la lampe, dont on distingue l’existence mais dont le contraste nous cache les détails.

Cela a deux conséquences, deux mouvements, curieusement contraires. La première conséquence c’est la tendance à survaloriser ce que l’on sait (je dirai même : ce que l’on sait savoir). C’est le fameux effet du lampadaire.

Ce que l’on croit savoir clairement offusque ce que l’on devrait savoir.
Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés.

Gaston Bachelard

Pourtant, dans le même temps, cet effet de contraste va provoquer chez l’esprit curieux un mouvement inverse : l’envie d’éclairer la zone restée dans l’obscurité. Et c’est ainsi que la connaissance progresse de proche en proche.

La remarque d’Eric Jean Garcia sur le cloisonnement qui accompagne ce développement a fait surgir en moi une nouvelle image. Je me suis représenté un arbre auquel chaque génération de chercheur ajoute un niveau : plus le nombre de niveaux augmente, donc plus on «creuse» un domaine, plus la distance entre deux nœuds du réseau de connaissance augmente.
Il est alors de plus en plus rare de parvenir à faire se croiser deux informations ou apprentissages dans des domaines distincts, et ceux d’autant plus que la spécialisation tend à créer progressivement ses propres modèles de représentation de l’information, son propre vocabulaire spécialisé (son «jargon»).

Cette représentation sous forme d’arbre m’a aussitôt fait penser à l’arborescence hiérarchique ou fonctionnelle d’une entreprise, avec les même propriétés : plus l’entreprise grandit, plus ses fonctions tendent à se spécialiser et à s’éloigner les unes des autres.

En tirant − à peine − sur la corde de cette idée on pourrait en conclure que plus l’entreprise est grande, plus elle a de capacités intrinsèques et moins elle est capable d’en mobiliser le plein potentiel, et que ce potentiel réside dans les croisements horizontaux.

Ça fera un bon sujet de réflexion pour cette semaine : que savent, individuellement, les membres de mon équipe que nous ne savons pas collectivement ?
Vous avez 7 jours.


Ce billet est extrait de « l’hebdo de Mille Mentors », la newsletter que j’envoie chaque Dimanche en fin de journée, avec une liste d’infos intéressantes relevées dans ma veille de la semaine et, parfois, des réflexions comme celle-ci, inspirée par mes lectures du jour, et publiée initialement dans la newsletter du 18 avril 2021.
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