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Situation de crise : quelle communication interne pour éviter la panique ?

[Cette chronique a d’abord été publiée dans la newsletter du 03 juillet 2022. Abonnez-vous]

Cassandre avait reçue d’Apollon le don de prévoir l’avenir mais sans jamais être capable de convaincre ses contemporains de la validité de ses prédictions.

Je me demande si le dieu des arts et de la lumière n’a pas de nouveau frappé. Après le syndrome de Cassandre, assistons-nous à la malédiction de Jancovici, dans ces temps de crise climatique ?

Certes, celui qui est en passe de devenir notre plus célèbre polytechnicien vivant est écouté, et parvient à convaincre de plus en plus de gens de la menace à laquelle nous sommes confrontés.

Mais la perversité des dieux est sans limites et la malédiction a semble-t-il pris un nouveau tour : nous entendons, nous voulons bien y croire, mais nous n’agissons pas.

La crise tétanise

Je ne peux pas parler pour vous, et je ne sais pas comment vous percevez la situation, ni comment vous agissez mais lorsque je regarde mes propres actes j’ai le sentiment d’être comme le lapin pris dans les phares : saisi d’effroi on reste sans bouger alors même que le danger approche à toute vitesse.

La catastrophe est sans doute trop énorme, impossible à réaliser.

Pierre Rabhi et son conte amérindien du colibri qui tente de faire sa part en apportant des gouttes d’eau pour lutter contre l’incendie est inspirant mais il met bien en lumière le problème : nos actions semblent insignifiantes face à l’ampleur du problème.

De dérisoire à inutile il n’y a qu’un pas vite franchi et il est tentant de se dire à quoi bon.

Pourtant il y a des choses à faire.

Ça m’a rappelé un épisode beaucoup moins dramatique, mais instructif, dans la vie de ma boite.

J’ai déjà vécu ça dans ma boite

C’était en 2009, lorsque nous avons été touchés par la deuxième vague post Lehman Brothers. En Mars de cette année nous avions 14 mois de visibilité sur notre activité. En juillet elle était tombée à 2 semaines !

Après une fermeture autoritaire en Août pour purger les congés et se donner le temps de reprendre notre souffle nous avions réuni l’équipe en Septembre en expliquant que nous allions trouver des solutions mais que, en attendant, il fallait que tout le monde s’occupe du peu de clients qui nous restaient et qui devaient être bichonnés comme jamais.

Je vous passe les détails sur la manière dont nous nous en sommes sortis (sinon je ne serais pas en train de vous raconter cette histoire) mais ces quelques mois de très grande incertitude ont été nos plus mauvais mois en termes de qualité livrée à nos clients !

Exactement le contraire de ce qu’on avait demandé et de ce dont l’entreprise avait besoin.

Ça m’a beaucoup fait réfléchir, à l’époque et depuis, sur la manière de manager en temps de crise.

Un management et une communication SECURE

J’espère ne pas revivre une situation aussi tendue mais je crains malheureusement que ce soit notre responsabilité de dirigeants de nous y préparer.

En analysant ce que j’ai fait à l’époque et ce que je ferai différemment, j’ai imaginé un acronyme pour servir de méthode en 6 points : S.E.C.U.R.E.

Ne rien cacher de la Situation

La crise crée du doute et rien ne peut renforcer le doute et l’inquiétude comme le sentiment qu’on nous cache des choses. C’est pourquoi je suis un fervent partisan de la transparence.

Donner des Explications

C’est la suite logique de la transparence. L’information qu’on ne comprend pas est aussi inquiétante que l’absence d’information. Il faut répondre aux questions, expliquer d’où vient le problème, ce qui a été fait, ce qui est possible, le temps et les marges de manœuvre dont on dispose, même quand elles sont faibles. C’est la clarté qui permet l’action et, dans la crise, on va vouloir que tous agissent en bonne connaissance de cause.

Assumer les Conséquences

Si on ne réagit pas, que va-t’il se passer ? Quel est le pire scénario ? Ça semble contre-intuitif mais un danger connu et affronté en théorie est moins inquiétant qu’une menace floue. C’est pour ça que les films d’horreur ne nous montrent généralement pas le monstre en pleine lumière. Au pire, si on n’y arrive pas et que la boîte ferme, comment ça se passera ? Et quelles seront les premières actions ? Savoir qu’on a six mois de trésorerie, que lorsqu’on déposera le bilan les salaires seront garantis par le GARP, … etc, c’est aussi une condition pour agir. Le danger est certes bien réel et cela motive à se bouger. Et, en même temps, il prend forme et taille humaine. On peut l’affronter. Ça nous redonne de la capacité de mouvement.

Organiser l’Urgence

C’est sans doute là que j’ai été très mauvais en 2009. Dire aux salariés « voilà ce que j’attends de vous, pendant ce temps nous allons chercher des solutions » c’était une catastrophe. La crise nécessite un management rapproché et assez directif. Il faut pointer des actions précises et distribuer le travail.

Rapprocher les équipes

Il faut impérativement réunir les gens le plus souvent possible, ou à minima leur parler chaque semaine, voire presque chaque jour. À la fois pour repasser les messages, pour actualiser les points de situation, pour préciser les consignes, pour renforcer l’esprit d’équipe. Dans la tempête l’équipage se serre les coudes et le capitaine ne reste pas dans sa cabine.

Démultiplier les temps d’Écoute

Tout ce qu’on peut dire n’est rien à côté de ce qu’on peut obtenir en prenant le temps d’écouter la manière spécifique dont chaque salarié vit la situation. Sans forcément chercher à répondre à toutes ses craintes mais en les entendant, en notant ce qui a été mal compris dans les messages, en réaffirmant la possibilité d’agir et en étant précis dans ses demandes. C’est l’écoute qui donne la boucle de feedback du process SECURE qu’il faudra répéter jusqu’à ce qu’on soit tirés d’affaire.

Face à la crise climatique

Alors, allez-vous me dire, est-ce que ça peut s’appliquer aussi à la crise écologique à laquelle nous faisons face ?

Je ne sais pas.

Je n’ose pas me poser la question car répondre par l’affirmative serait orgueilleux et la négative serait déprimante.

En revanche je sais que nous devons tout faire pour échapper au syndrome du lapin dans les phares.

Les climatologues nous disent que chaque geste compte ; on ne pourra pas éviter le réchauffement mais chaque dixième de degré en plus ou en moins à des conséquences significatives.

Peut-être faut-il ramener le problème à des dimensions que nous pouvons appréhender.

L’image que je trouve pertinente est celle de notre température corporelle :
Quand on passe de 37°C à 39 on n’est pas bien.
Quand on passe de 39 à 41°C, on convulse.

Chaque demi degré compte.

Et même si se rafraîchir le front avec un gant de toilette humide ne vas pas soigner une grippe, quel parent laisserait la température de son enfant monter sans tout essayer ?

S’inquiéter du futur n’est pas très utile si on n’agit pas. Et on est impuissants face aux problèmes les plus importants, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire.

Il faut choisir ses inquiétudes, comme on choisit ses combats :

  • Les politiques ne bougent pas ? Votons, manifestons, pétitionnons.
  • On consomme trop ? Montrons l’exemple
  • On n’a pas les solutions techniques ? Soutenons la recherche et les entrepreneurs

On ne gagnera peut-être pas la victoire finale mais on peut remporter plusieurs batailles.

Pour aller plus loin, voire pour agir dès maintenant :


Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.

2 réflexions sur “Situation de crise : quelle communication interne pour éviter la panique ?”

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