Tu profites du week-end prolongé ?
Tu fais bien parce que demain commence le compte à rebours des vacances, et que ça va être intense : un sprint final de 5 semaines jusqu’au 14 juillet, avec un double enjeu : boucler les objectifs du semestre ET préparer ta boite au grand vide de l’été français.
Avec LA question qui gratte : qui assure la permanence ?
Partir en vacances quand on est entrepreneur : une mission impossible ?
Il y a quelques années, quand arrivait cette période, j’avais une méthode radicale pour partir en vacances : on fermait carrément la boîte. Comme ça, au moins, il ne se passait rien en mon absence. Mais on ne pouvait se permettre de le faire trop longtemps, ni trop souvent. Mes « vraies » vacances duraient une semaine, parfois deux, entre le 1er et le 15 Août, si les dates tombaient bien.
Aujourd’hui, je n’ai aucun problème à partir du 12 juillet au 20 Aout. Et je ne suis pas le seul : regarde Benoît, que j’ai interviewé pour le podcast ; il s’absente du 14 juillet au 31 Août, tous les ans.
Alors cette année, je voudrais que, toi aussi, tu prennes 5 semaines d’affilée.
Minimum.
Cinq semaines ? Je t’entends d’ici : les clients, les équipes, la banque, les virements … Je connais la chanson, je l’ai chantée pendant des années.
Pourtant, il y a quelque chose de profondément révélateur dans cette décision. Passer de « je ferme tout » à « je pars cinq semaines et tout continue » ne raconte pas seulement l’histoire de mes vacances. Cela raconte l’histoire de la transformation de mon entreprise et, surtout, de ma relation avec elle.
Pourquoi partir en vacances quand on est entrepreneur transforme ta boîte
Car voici la réalité inconfortable : si tu ne peux pas t’absenter cinq semaines sans que tout s’effondre, tu n’as pas une entreprise. Tu as un job compliqué, bien payé j’espère, mais un job avec un patron intransigeant : ta boîte.
Je sais ce que tu te racontes, je me le suis raconté aussi : « se barrer, même si tu es fatigué(e), c’est irresponsable ; c’est lâche aussi, tu vas laisser les autres bosser pendant que tu te dores la pilule : quel exemple tu donnes ? Et c’est dangereux : est-ce qu’ils ne vont pas faire des conneries, ou se relâcher. Quand le chat n’est pas là les souris dansent ; si ça se trouve tu les payes à ne rien faire… »
Aujourd’hui, je te propose un autre regard : l’absence c’est pas une fuite, c’est une libération.
Prendre cinq semaines de vacances d’affilée, c’est le stress-test ultime de l’autonomie organisationnelle. Ou son meilleur accélérateur.
Partir confiant c’est la preuve que tu as réussi à créer quelque chose qui te dépasse, qui existe indépendamment de ta présence quotidienne.
Petite confidence personnelle : au mois de Mars, mon associée qui a pris le rôle de DG depuis un an, a dû subir une grosse opération assortie d’une longue convalescence. Tout s’est bien passé, heureusement, et elle a repris son rôle après 6 semaines, mais ça m’a permis d’observer ce qui se passe réellement lors d’une absence prolongée :
L’(in-)organisation apparaît :
En lean management on dit que lorsque le niveau de l’eau baisse, on voit les cailloux. Là c’est pareil. Quand tu t’absentes une semaine, plein de trucs restent en suspens, et les problèmes t’attendent sagement au retour. Alors qu’une absence de cinq semaines ou plus, ça force les équipes à s’organiser, à prendre des décisions, à développer des reflexes d’autonomie qu’elles n’auraient jamais développés en ta présence.
Des leaders naturels se révèlent :
La nature a horreur du vide… même en management. Quand tu es là et que tu prends toutes les décisions, c’est plus facile pour tout le monde de suivre. Dans ce vide temporaire, au contraire, certains collaborateurs vont naturellement prendre le lead, endosser des responsabilités, révéler des capacités que ta présence masquait. Tu reviendras avec une équipe différente, plus mature, plus autonome… si tu en profites pour pérenniser les délégations.
Tu poses enfin le cadre :
C’est sans doute la plus grande vertu de ton absence : si tu n’es pas là pour arbitrer les décisions commerciales, vérifier les notes de frais et organiser la prod, il va falloir poser des règles et des limites afin que l’autonomie ne vire pas au chaos. Par contre, ça demande de la préparation. C’est d’ailleurs pour ça qu’on s’en occupe aujourd’hui.
Ton absence prévue met en lumière tous les endroits où l’organisation dépend encore de tes décisions, de ta mémoire, de tes habitudes. Ça peut créer du stress pour tes équipes mais ce sont en fait des opportunités d’amélioration durable.
Mais ça s’anticipe.
Je te propose un plan en 4 temps.
Temps 1 : L’annonce (2 mois avant)
Le bénéfice de tes longues vacances ça commence cette dès semaine. Tu vas annoncer à ton équipe que tu seras absent(e) 5 ou 6 semaines cet été.
Tu n’as peut-être pas réservé ton bungalow sur la plage pour aussi longtemps, mais c’est pas grave. Annonce quand même 5 ou 6 semaines d’absence. Tu verras pourquoi dans quelques minutes.
Rien que l’annonce est déjà un point de passage important. Ça va peut-être mettre en stress tes collaborateurs mais je parie que la personne la plus en difficulté ça pourrait bien être … toi.
Annoncer tranquillement, sans avoir à te justifier, que tu prends plus de vacances que tes salariés ça va t’obliger à t’assumer comme entrepreneur(e). Tu n’es pas salarié(e) de ta boite, quand bien même tu y tiens des rôles opérationnels.
Petit rappel : tu as le droit !
Comme entrepreneur, que tu sois TNS ou salarié, tu n’es pas rémunéré pour ton temps de travail ; tu peux très bien travailler 2h par mois et toucher ton salaire, si tes actionnaires sont d’accord ; donc, légalement, tu as droit à des vacances illimitées.
Et si tes clients, tes collaborateurs ou tes copains s’étonnent ? Assume ! « Oui, c’est aussi pour ça que je suis entrepreneur-e, pour avoir la liberté de mes choix ; c’est ma boîte, ma vie, mes emmerdes donc c’est mes règles du jeu aussi »
Ils sont jaloux ? tant mieux : il vaut mieux faire envie plutôt que pitié 😉
Une fois digérée l’annonce, explique à ton équipe que cette absence est une opportunité pour améliorer l’organisation et réduire les dépendances.
Temps 2 : L’audit de dépendances et la préparation stratégique
Tu vas faire deux choses en parallèle :
1. Demander à tes collaborateurs d’identifier tous les points de contention à régler pour que ça se passe bien.
2. Ouvrir une note sur ton téléphone (ou prendre un petit carnet — j’utilise celui-ci), et relever, au fil des jours, tous les sujets dont tu t’occupes :
- Les réunions auxquelles tu participes
- Les décisions que tu prends ou celles où on vient te consulter
- Les choses que tu surveilles et les actions que tu prends
Pour chaque point, pose-toi cette question, ou demande à ton équipe : « Si je ne suis pas joignable, que je ne fais rien pendant six semaines… que se passe-t-il ? »
Trois réponses possibles :
- A. Il ne se passe rien, ou rien de grave : Parfait.
- B. Quelqu’un va gérer, mais ça pourrait potentiellement être problématique : on va définir des chenaux.
- C. Si t’es pas là, ça peut vite être critique : tu vas nommer un(e) gardien(ne).
Plan A : rien à faire. Sauf peut-être arrêter tout de suite ?
Plan B : la méthode «des phares et balises»
Je ne sais pas si tu as déjà navigué en Bretagne ? Il y a de grands espaces vierges, où tu peux faire ce que tu veux. Mais quand tu t’approches des cotes, et encore plus si tu t’engages dans un rivière ou un port, tu verras que le service des Phares et Balises a construit des amers et posé des bouées. Pas pour te contraindre et t’empêcher de naviguer, mais pour sécuriser tes mouvements. Dès que tu sors de l’alignement, tu risques de taper dans un caillou invisible sous l’eau. Mais tant que tu restes dans le chenal, tu sais qu’il y a assez de fond, même à marée basse, et tu peux tirer des bords.

Sauf que, souvent, tu es plutôt comme le sémaphore de la Ria d’Etel : tu surveilles les mouvements, indiques à chacun les obstacles potentiels et assure la sécurité de tous.
Mais si tu travailles avec tes équipes à baliser des chenaux, c’est-à-dire à définir des limites et poser des repères visibles de tous, tu pourras relâcher ton attention.
Ça va te permettre de partir l’esprit tranquille, mais ça va surtout te permettre de revenir ensuite dans une boite qui te demande moins de vigilance.
Et pour les moments où les chenaux se suffisent pas, il y a le plan C.
Plan C : la méthode du gardien.
Nommer un gardien c’est le dernier rempart de ta sérénité. Tu vas désigner une et une seule personne qui le droit et le devoir de t’appeler quand on rentre dans une zone de turbulences.
C’est très simple mais il faut bien choisir la personne qui va à la fois oser te déranger et ne pas t’appeler tous les jours à la moindre averse.
Et, plus tu auras balisé les chenaux, plus ça sera facile pour lui ou elle de savoir qu’on franchit la limite et qu’il faut décrocher le téléphone.
Temps 3 : ton départ (et la méthode 1+3+1)
Est-ce que tu connais ce sentiment bizarre : tu pars en vacances tout content mais, les premiers jours, tu as du mal à profiter. Tu continues de te réveiller tôt le matin, tu pense au boulot dix fois par jour, tu tournes un peu en rond … c’est le sevrage.
La solution, c’est Ryan Deiss, l’auteur de Get Scalable, qui la détient avec la méthode 1+3+1. Ça consiste à dissocier ton absence et tes vacances. Tu disparais 5 semaines mais :
- la première semaine tu travailles à ton rythme, en n’allant plus au bureau, en ne participant plus aux réunions mais en étant encore en contact avec ton gardien. C’est ta semaine d’atterrissage, qui te donner le temps de ralentir et de boucler les derniers sujets et ranger tes dossiers. Tu te prépares aux vacances.
- les 3 semaines suivantes : totalement off. Barbecue, plage et transat.
- la 5ème semaine, tu reprends progressivement, sans le dire. Tu consolides les idées qui te sont venues pendant les vacances, tu te mets à jour et tu prépares ta rentrée.
Ainsi tu profites vraiment des vacances et tu repars lancé à ton retour. En plus tu peux partir et rentrer en dehors des week-end et des bouchons 😉
Astuce pour profiter à fond : le carnet du vide.
Vacances ça vient du latin vacuum, le vide, que l’ont retrouve aussi, par exemple quand un logement, ou un poste, est vacant.
Et quand on est habitué à penser à sa boite 16 heures par jour, tous les jours, comme toi, ça ne s’arrête pas quand on vide son agenda. Au contraire !
Je ne sais pour toi, mais, moi, les vacances ça me donne plein d’idées. Mon conseil c’est de ne pas lutter contre les idées business qui te viennent, sinon ça va te mettre en tension. Mais, du coup, c’est tentant de se remettre à bosser… ce qui va ruiner le bénéfice des congés.
Prescription du docteur : pas d’ordi mais un carnet.
Note tout ce qui vient au fil de l’eau. N’hésite pas à gribouiller des trucs partiels, ou contradictoires, à raturer, reprendre, recommencer. On s’en fiche que ça soit brouillon, idiot, incompréhensible par quelqu’un d’autre que toi.
Au retour, tu as une semaine pour relire tout ça et le transformer en plans d’action, en docs, mails et projets. C’est ça aussi l’intérêt de la méthode 1+3+1 :
tu n’as pas juste récupéré du repos, tu reviens avec les valises pleines.
Temps 4 : La transformation finale
Tu as kiffé ? Les vacances sont finies, tu rentres bronzé(e), reposé(e), plein d’idées et d’énergie ? Tant mieux car tu vas rebondir et, sur ta lancée, programmer ta prochaine absence sans attendre l’été prochain.
Les balises, les délégations, les process qui ont permis aux équipes de fonctionner sans toi pendant 5 semaines, n’ont aucune raison de ne pas rester. Ça fait toujours ça de moins que tu dois gérer.
Et si, la prochaine fois, tu repoussais encore un peu plus loin la limite ?
Car voici le paradoxe magnifique : plus tu deviens capable de t’absenter longtemps, plus tu prouves que tu as créé quelque chose de solide et d’autonome. Plus tu lâches prise, plus tu démontres ta maîtrise réelle de ton entreprise.
Tu ne pars pas pour fuir ton entreprise. Tu pars pour l’éprouver.
En prenant de longues vacances, tu poses une question simple : “Est-ce que tu peux vivre sans moi ?” Et la réponse t’en dit long. Sur ton système. Ton équipe. Et sur toi.
Si tu veux une boîte solide, commence par la tester quand tu n’es pas là.
Prêt(e) pour tes cinq semaines ?
P.S. Ce n’est pas de l’irresponsabilité. C’est du leadership.