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Enfin les vacances !

[Cet article a été initialement publié dans la newsletter du 20 février 2022]

Au moment où vous lisez ces lignes je suis en Savoie. Quelques jours seulement, mais ça va me faire beaucoup de bien. Pourtant ça fait à peine 7 semaines que j’ai repris le boulot après les fêtes.

Il faut dire que le mois de janvier a été une succession presque ininterrompue d’échéances.

Chaque jour, ou presque, il y avait une rencontre à enjeu, une présentation en public, une proposition commerciale à rendre, un atelier à animer… Mais quand est-ce que je trouve le temps de préparer tout ça, moi ?

Quand on se surprend à être content qu’un incident vienne reporter une rencontre, sur laquelle on comptait pourtant, c’est que quelque chose ne va pas.

Bien sûr, quelques-uns de ces rendez-vous étaient des suites logiques de travaux engagés en fin d’année dernière : on se revoit tous les mois pour avancer, c’est normal.

Mais la plupart de ces échéances n’avait comme seul critère d’urgence que de devoir se tenir en janvier.

En tant que consultants c’est quelque chose que nous connaissons bien : les urgences calendaires. Les propositions à rendre absolument avant une date dont l’urgence est toute symbolique. Soit avant les vacances (pour le 20 décembre, avant le 12 juillet, …), soit en début de période (avant le 30 septembre, le 31 janvier).

Et c’est probablement la même chose dans beaucoup de métiers.

Mais à quoi ça rime ?

Qu’on veuille partir en vacances l’esprit tranquille en ayant bouclé ses dossiers, je le comprends très bien mais la validation d’une proposition commerciale, le choix d’un prestataire ne sont jamais que le début d’autre chose… qui va alors devoir attendre le retour des vacances.

Combien de fois avons-nous rendu en urgence une proposition à faire absolument avant le 10 ou le 20 juillet… pour n’avoir ensuite plus aucunes nouvelles avant le 30 août, voire le 20 septembre.  Et dans un monde aussi changeant que le nôtre, qui peut être certain que les enjeux du projet et les critères de décision restent les mêmes pendant ces mois d’attente ?

Ne faudrait-il pas plutôt raisonner à l’envers et prendre sa décision le plus tard possible, au plus près de sa mise en œuvre ?

Et là je ne parle que des deadlines avant les congés. Les deadlines de début d’année ont encore moins de sens.

« Il faut absolument boucler le cadrage du projet avant fin janvier. − Ah bon, et pourquoi ça ? − Et bien c’est un projet majeur de cette année ; si on met des mois à le cadrer, il ne restera pas beaucoup de temps. »

Sous une forme ou une autre j’ai entendu ce genre de dialogue des dizaine de fois. Il est tellement courant que beaucoup de gens ne voient même pas ce qu’il a de déconnant.

Le problème c’est la référence à l’année.

L’année civile est une convention totalement arbitraire. Jusqu’au moyen-âge l’année commençait à Pâques. Dans le calendrier chinois, hébreu ou celui de l’hégire, l’année commence à d’autres moments.

Le changement d’année est une fiction. Ça n’a aucune réalité tangible.

La seule réalité opérationnelle de l’année dans l’entreprise c’est l’exercice. Qu’il commence au 1er janvier ou au 1er septembre ou toute autre date, ce changement d’exercice induit un changement tangible, celui de la remise à zéro (ou, plus exactement, du «report à nouveau») de la comptabilité.

Or, pourquoi tenons-nous une comptabilité ? Parce que c’est une obligation légale. Et pourquoi l’état impose-t-il une comptabilité et des normes comptables ? Parce que c’est la base qu’il utilise pour calculer et exiger l’impôt sur les sociétés.

L’exercice s’appelle d’ailleurs en fait «exercice fiscal».

Donc on tient une comptabilité annuelle, par exercice. Et, donc, on détermine les éléments de sa gestion (les budgets, les objectifs de CA, de marge, de recrutement…) en base annuelle.

Et donc, en janvier, on se dépêche de poser le plan stratégique/informatique/commercial/de formation … etc. de l’année.

C’est complètement con.

La plupart de nos entreprises ont un rythme naturel qui tient à des cycles propres à leur activité et qui sont rarement annuels.

Dans la prestation de service, par exemple, ce sont les débuts et fins de missions qui, en redéployant les consultants, font le pouls de l’activité, avec ses périodes de stabilité et ses périodes de changement.

Comme les missions ne démarrent pas et ne s’arrêtent pas avec le changement d’année, cela n’a pas beaucoup de sens de raisonner à l’année. Il vaut mieux raisonner par périodes plus courtes, de 3 ou 4 mois, qui sont généralement notre horizon de visibilité.

Pourtant c’est difficile d’échapper à la pression du calendrier. Soit parce qu’il est importé au travers des demandes des clients, soit parce qu’on est tellement habitué à raisonner en termes de calendrier qu’on y replonge sans en être conscients.

Récemment, ça a failli nous arriver dans mon entreprise. On discutait des priorités à 3 mois et quelqu’un a dit «on est déjà mi-février, autant viser tout de suite le 2ème trimestre». Et ne rien faire d’ici là ? Non, concentrons-nous sur les 3 prochains mois, et peu importe si ça nous conduit à mi-mai.

Et vous, c’est quoi le pouls naturel de votre activité, la bonne cadence pour planifier et prioriser ?

Petit conseil d’agiliste : le bon intervalle est assez long pour avoir le temps d’accomplir quelque chose de significatif, mais assez court pour être certain que les priorités restent valables jusqu’au bout.

Pour aller plus loin:

  • L’inanité des budgets annuels a été mise en évidence il y a quelques années par les travaux du BBRT (Beyond Budgeting Round Table) un groupe de travail entre directeurs financiers de grands groupes réunis par la Harvard Business Review à l’occasion d’un colloque. Groupe de travail qui s’est ensuite transformé en organisation mondiale qui publie énormément d’articles et de vidéos passionnantes. De façon étonnante les expérimentations menées dans de très nombreux grands groupes (Statoil, Scheider, Technip, …) dans le but de revoir la programmation budgétaire ont toutes mené à des transformations managériales. Comme quoi l’impact caché des budgets sur le management est plus important que l’on ne pourrait croire.  https://bbrt.org/

Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.

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