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Faire moins pour faire mieux

[Cette chronique a d’abord été publiée dans la newsletter du 7 janvier 2024Abonnez-vous]

Le début d’année est toujours un moment propice au changement. 

Nouvelle année, nouveaux projets, nouvelles ambitions, nouvelles habitudes… 

Et, pour changer, si au lieu d’ajouter, on enlevait ?

Car, après tout, pourquoi toujours ajouter ? Il y a des choses qui s’améliorent en se simplifiant. 

Enlever pour améliorer

Prenez un vélo, c’est compliqué pour un petit. Il faut maîtriser la trajectoire, apprendre à pédaler, à freiner, tenir son équilibre. Du coup on ajoute des petites roues pour le stabiliser. C’est à peine mieux.

Maintenant, enlèvez la chaine, les pédales, les freins, les petites roues : vous obtenez la draisienne qui a conquis les enfants de moins de 4 ans. Avec raison car c’est beaucoup plus facile et rapide pour apprendre l’équilibre sur deux roues et la maîtrise de sa trajectoire. Et une fois que ces essentiels sont acquis, on peut ajouter les pédales.

Enlever pour améliorer. 

Ça marche avec le vélo, ça marche avec la stratégie d’entreprise ou l’offre, ça marche au niveau individuel.

Faire moins, d’accord, mais comment ?

Avant les vacances j’avais un coup de mou. Cette pause m’a permis de me rendre compte qu’on est sans doute plus heureux en cherchant à en faire moins. 

Dans le fond je l’ai toujours su mais il me manquait une clé : je pensais que ça voulait dire me concentrer sur une seule activité, un seul projet, une seule boîte. Sauf que l’éparpillement c’est aussi ce qui me tient en vie. Si je m’enferme, je dépéris. Donc, oui, si je ne faisais qu’une seule chose j’aurais plus de temps à y consacrer, mais suis-je capable de faire une seule chose ? Probablement pas. Ma force c’est aussi ma capacité à faire rebond entre tous les sujets qui m’animent, à tout relier. 

Le moins, pour moi, c’est moins de comparaison avec des standards de performance qui ne sont pas les miens ; c’est moins d’exigences que je m’impose au nom de je ne sais quel référentiel dont personne n’est d’ailleurs comptable.

Ce n’est pas arrêter de faire des efforts, de progresser. C’est continuer de nager, mais choisir de nager dans le courant et pas contre le courant. 

C’est suivre mon envie, ma nature, aller à la facilité, là où l’énergie me vient naturellement. 

C’est arrêter de m’en vouloir de ne pas être partout et de ne pas être parfait. C’est m’autoriser un peu de gentillesse avec moi-même, d’auto-compassion.

Me donner un peu plus le droit d’en faire un peu moins.

M’autoriser plus souvent à renoncer, à ne pas aller au bout de tous les projets.

Laisser place au renouvellement

Car l’esprit, l’agenda, sont comme les espaces physiques : lorsqu’ils sont pleins, il ne reste pas de place pour de nouvelles relations, de nouvelles idées, de nouveaux projets. Pas de place même pour la réorganisation. 

Il faudrait commencer par arrêter certains projets, et, peut-être, arrêter d’en commencer d’autres.

Encore que, pour survivre, l’entreprise est comme moi : elle a tout le temps besoin d’explorer de nouveaux territoires pour se renouveler avant que les concurrents, le temps et la lente érosion des marges et des besoins ne l’asphyxient. 

Peter Drucker disait que l’objet d’une entreprise n’est jamais de faire du profit mais que le profit est impératif car, pour exercer sa raison sociale, son véritable objet, l’entreprise doit, d’une part, rémunérer le capital immobilisé et, d’autre part, dégager assez de marge pour financer son renouvellement constant, c’est-à-dire des investissements et des projets qui ne seront pas tous rentables mais qui sont nécessaires pour trouver ce qui fera demain.

Le temps libre, ou le temps libéré, celui qu’on dégage en renonçant à certains engagements, c’est la marge disponible pour investir du temps, et dont on a autant besoin que de rentabilité financière.

Si la rentabilité est atteinte en saturant les agendas, elle ne peut pas durer. Et comme nos agendas sont toujours plein, il faut régulièrement faire le ménage. 

Marie Kondo-iser nos agenda

On peut faire l’analogie avec l’art du rangement de Marie Kondo : 

S’attacher aux vieux objets encombre nos placards, nous dit-elle. 

S’attacher aux vieux projets et aux vieilles idées encombre notre agenda et notre cerveau.

Pour faire de la place aux idées neuves il faut accepter de dire au revoir aux vieilles idées, et les mettre sur le trottoir ou au recyclage. C’est vrai dans le boulot et les projets, c’est vrai des exigences que l’on s’impose. 

Renoncer, c’est s’alléger. 

A-t-on vraiment besoin et envie de passer autant de temps à se cultiver, à se muscler, à affiner son look, à être à la pointe, à se former, à lire, à publier, à être connu  … ? Choisissons nos oui et assumons nos non.

Élire ce qui compte vraiment et abandonner le reste ce n’est pas se replier sur soi, c’est s’ouvrir à de nouveaux possibles. Faire aussi de la place aux autres, leurs idées, leurs envies, leurs besoins. 

Aller vers son essence.

Je vous souhaite une belle année 2024, une année essentielle.

Pour aller plus loin:

Une citation de John Meynard Keynes : « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes »

Un texte de Brianna Wiest, que je vous ai traduit en français : Cette année, laisse tomber les personnes qui ne sont pas prêtes à t’aimer


Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.

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