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Singulier, pas différent

[Cette chronique a d’abord été publiée dans la newsletter du 16 mars 2024Abonnez-vous]

Je m’agace facilement. 

Je m’agace des gens qui s’impatientent et râlent contre le conducteur du métro quand on est bloqués, car un voyageur a oublié son sac à dos sur un quai. 

Je m’agace quand je suis dérangé par un appel en 06 sur mon portable et que c’est un robot qui m’appelle pour me dire que « votre fournisseur d’énergie a un message important pour vous ». 

Je m’agace quand quelqu’un devant moi, dans la rue, ouvre un paquet de cigarettes et jette l’emballage en cellophane. Et je m’agace encore plus quand je n’ose pas le rattraper pour lui dire, de peur de me prendre un mauvais coup. 

HPI, TDAH, Zèbres… ou des excuses pour emmerder le monde ?

Bref, je l’avoue, j’ai l’agacement facile.

Mais le truc qui m’agace sans doute le plus c’est la tendance de plus en plus marquée qu’ont certaines personnes à se précipiter pour glisser dans la conversation qu’ils sont introvertis, HPI, TDAH, Dys, Zèbres et autres « neuro atypismes ». 

Ça m’agace car c’est généralement un auto diagnostic qui ne repose sur rien d’autre qu’un pauvre article de Fabrice Midal, prof de philo de lycée reconverti en gourou de Marie-Claire.

Ça m’agace car, même quand c’est fondé, ce ne devrait pas être utilisé comme une sorte d’excuse pour emmerder le monde.

J’en vois qui sont déjà en train de bondir. Bien sûr si votre enfant est sérieusement dyslexique il a besoin d’une attention particulière et de méthodes adaptées pour profiter pleinement des enseignements et s’épanouir dans ses études. 

Je parle des clients, salariés, partenaires et autres adultes avec lesquels on travaille et ont l’irritante habitude de commencer leur phrase par « En tant que Zèbre/HPI/TDAH/Introvert… »

Ceux-là, ils m’agacent. Vraiment.

Ils m’agacent car cette mise en avant de leur différence autoproclamée procède d’un genre de syllogisme qui m’insulte. 

Différents, mais pas seuls ?

Le sous-entendu de cette prémisse c’est le plus souvent « Moi je suis à part, donc les règles et les usages habituels ne s’appliquent pas, et je mérite un traitement particulier ». 

Je n’arrive pas à comprendre cette obsession de vouloir s’affirmer différent… en se collant dans une case avec des milliers d’autres :

Nous les HPI. Nous les hypersensibles. Nous les hyperactifs… Peut-être que ça les rassure de se sentir différents, mais pas seuls ? 

C’est une impasse intellectuelle. Nous sommes tous différents, en partie. Et tous semblables, en partie.

Se coller une étiquette et se cacher derrière celle-ci n’est pas une option. C’est réducteur, limitant et ce n’est pas une bonne excuse. 

Je ne suis pas que HPI, hyperactif ou introverti. Je suis aussi bavard comme Jean-Marc, amoureux des mots comme Sonia, difficile à contenter comme Daniel, curieux de tout comme Paul, orgueilleux comme ma grand-mère, et relativiste comme Einstein.

Être unique, c’est être pareil que plein de gens, de plein de manières différentes. 

Vous êtes plus que votre différence

À brandir sa supposée différence on s’identifie à celle-ci et on devient comme ces influenceuses qui vivent de leur image, et en finissent prisonnières. 

Enfermées dans leur niche, dépendantes des revenus qu’elle leur procure, elles sont contraintes de s’auto-caricaturer à l’infini… et finissent par déclarer vouloir tout arrêter.

Et si, plutôt que de vouloir à tout prix s’enfermer dans la niche d’une différence particulière, on choisissait d’affirmer notre appartenance commune à l’humanité ?

Et si, dans cette humanité riche de toutes nos différences, on assumait notre singularité ? Notre manière unique de se relier aux autres ? 

C’est ce que proposait déjà Nietzsche il y a 150 ans : « Deviens ce que tu es, fais ce que toi seul peut faire. » 

Dans un bouquin récent, Dorian Astor nous suggère que devenir ce que l’on est, c’est arrêter de se demander « qui suis-je ? », et agir pour explorer l’ensemble de ses possibles, c’est-à-dire prendre la vie comme une expérience.

Je vous souhaite de vivre une vie riche en expériences, et de devenir ce que vous êtes : singuliers.

Pour aller plus loin:

Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.

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