Accueil » Blog » Trois clés pour écrire des mails efficaces, qui sont lus jusqu’au bout

Trois clés pour écrire des mails efficaces, qui sont lus jusqu’au bout

[Cet article a été initialement publié dans la newsletter du 8 mai 2022]

Tous les jours nous écrivons des dizaines de mails, certains sont importants. Et ils ne sont pas tous lus jusqu’au bout. Laissez-moi vous raconter comment j’ai changé d’avis sur la manière d’écrire des mails et commencé à apprendre comment rédiger des messages plus efficaces qui sont lus jusqu’au bout, et bien compris.

Nous sommes en mai 2013. Je fais partie de l’équipe de bénévoles qui organisent une grosse conférence.

Je viens de passer 2h à boucler un long mail pour les 60 intervenants et volontaires, avec toutes les infos sur la logistique, les horaires, le matériel à disposition, les consignes, les modèles de slides, les photos … etc.

Je clique sur « envoi », avec le sentiment du travail bien fait, et je m’apprête à faire une pause méritée quand, « ding! ? », la clochette qui annonce l’arrivée d’un nouveau message sonne.

L’un des speakers m’a répondu presque immédiatement : « tl;dr »

5 lettres. C’est tout.

Une recherche rapide m’apprend que TL;DR ça veut dire « Too Long ; Didn’t Read ». Trop long ; Pas lu.

Comment ça « Pas Lu » ? Comment ça c’est trop long ?

Tu vas parler devant 300 personnes, tu as pris du temps pour construire une intervention, et pour la proposer aux organisateurs, on a retenu ton sujet parmi plus de 500 candidatures, tu as passé des heures à écrire ta conférence, tu l’as peaufinée et répétée … et tu n’as pas le temps de prendre 15 ou 20 minutes pour lire toutes les infos, afin d’être sûr que ça se passe bien le jour J ? Foutage de gueule !
Autant vous dire que j’étais fumasse.

Ce qui compte ce n’est pas ce qu’on écrit

Pourtant ça reste encore, à ce jour, une leçon. Et une leçon qui me sert presque chaque semaine.

Là ce qui me rendait dingue c’est que je n’avais pas fait ce mail pour me faire plaisir : cet orateur avait autant besoin d’avoir les infos sur sa salle, le matériel ou les horaires que moi de lui passer des consignes.

Il avait besoin des infos, il aurait pu faire l’effort de lire le mail jusqu’au bout.

Mais dans la majorité de nos mails, de nos comm, ce n’est pas le cas.

Nos collaborateurs, nos clients, nos partenaires de boulot ont juste un millier d’autres trucs auxquels prêter attention, plutôt qu’à ce qu’on essaie de leur faire passer comme messages.

C’est nous qui avons besoin de leur dire quelque chose. Eux s’en fichent.

Donc c’est à nous de faire en sorte qu’ils lisent jusqu’au bout, et qu’ils retiennent ce qui est important.

Combien de fois je me suis surpris à penser « pourtant je leur ai (déjà) dit, je l’ai même
écrit. »

Sauf que ce qui compte c’est pas ce que j’ai dit, ou écrit, c’est ce qu’ils ont entendu, compris, et retenu.

Écrire pour être lu

La communication c’est ce qui se passe du côté du récepteur comme le disait Peter Drucker.

Or, ne rêvons pas : écrire, ou dire, suffit rarement. La règle générale c’est qu’ils ne comprennent pas tout et ne retiennent pas grand chose.

C’est agaçant, on est d’accord.

Mais je crois malheureusement que ce ne sont pas juste nos collaborateurs qui sont en cause.

Est-ce que, nous-mêmes, nous lisons vraiment attentivement tous les mails que l’on reçoit ? J’ai l’impression que nous sommes aussi mauvais récepteurs que nos collaborateurs ou nos clients.

Il n’y a qu’à voir la société et l’actualité autour de nous : qui lit encore la notice des appareils qu’il achète ? Nous sommes dans l’ère du tweet, on ne lit pas les programmes politiques et on s’arrête aux petites phrases sorties de leur contexte … Presque plus personne ne fait l’effort de comprendre si c’est compliqué. Il faut faire du storytelling, maintenir l’attention constamment dans les discours, les vidéos, voire dans les romans, sinon les gens zappent. C’est le triomphe de la littérature feel good, des franchises Marvel au cinéma et du prêt-à-penser en politique.

Ça m’énerve, ça aussi.

Ça m’énerve, mais c’est comme ça. A partir de là on a deux possibilités : se plaindre ou changer.

Se plaindre, ça soulage mais ça ne résout rien.

Changer, c’est difficile mais, l’avantage de cette économie de l’attention, c’est qu’on a accès à plein d’informations sur la manière de s’y prendre.

Il y a quelques années j’aurais hurlé à l’idée de devoir appliquer les recettes de l’infotainment à la communication managériale mais, si on veut que nos messages passent, on va peut-être devoir s’y mettre pour être efficace.

En attendant, on peut au moins abandonner les vieilles recettes apprises à l’école et s’inspirer des copywriters et autres professionnels de la comm grand public.

Soyons clair : je suis, ici, loin de mes bases.

Le grand huit, ce n’est bien qu’à Disney

J’ai toujours aimé les mots. Je lisais même le dictionnaire quand j’étais petit, pour le plaisir d’en découvrir de nouveaux. J’adore construire des phrases et des raisonnements alambiqués, qui se replient plusieurs fois sur eux-mêmes, et ouvrent de nombreuses parenthèses, pour finir par retomber sur leurs pieds dans une pirouette.

Je trouve ça très élégant.

Sauf que, dans ce grand huit verbal, les gens ne sont pas attachés dans un petit wagon, et qu’il n’y a plus grand monde à l’arrivée. C’est marrant mais pas très efficace.

En 2017 j’ai fait une répétition, en interne, d’une conférence que je devais donner dans un grand groupe quelques jours plus tard. À la fin, l’un de mes salariés m’a dit « C’était intéressant mais je n’ai pas tout compris. J’ai noté 19 mots que je ne connais pas. Et ca m’a fait me sentir un peu nul. »

Pan ! Au temps pour les figures acrobatiques et les mots élégants.

Première leçon : on ne fait pas de la littérature, on fait de la comm.

Et quant à la structure des discours, il faut bien avouer que la fameuse thèse-antithèse-synthèse de nos études ennuie tout le monde… même leur auteur !

Comme je l’ai dit, je suis ici loin de mes bases, mais je travaille à simplifier mes écrits.

A défaut de faire court – je reste un « Barbu Bavard » après tout – j’essaie au moins d’être plus clair.

C’est d’ailleurs plus facile à l’écrit, où je peux me relire et retravailler mes phrases, qu’à l’oral ou je me laisse facilement entraîner.

Voici donc trois clés, assez simples, que j’ai adoptées et qui vous seront peut-être utiles.

  1. Écrire pour l’autre.  
  2. Commencer par la conclusion
  3. Chercher l’efficacité, pas la finesse

Clé N°1 : L’écriture en 3 passes

Écrire pour l’autre ça peut sembler une évidence mais c’est rarement ce qu’on fait spontanément.

On écrit parce qu’on a un truc à dire. Parce qu’on a plein de choses à dire, même. Et du coup on se centre sur nous et notre message.

L’astuce c’est de construire son discours en 3 passes, et pour trois personnes différentes :

Première passe : écrire pour soi.

Commencer par écrire, en vrac, au brouillon et, si possible, sans faire de phrases, tout ce qu’on veut dire.

J’aime bien, pour ma part, accumuler des notes en désordre au dos d’une enveloppe ou d’un courrier publicitaire. Ça ne me met pas la pression quant à la qualité ou la pertinence du message, ça m’est facile de réorganiser mes idées ou de les compléter avec des renvois, des flèches, des superpositions de couleurs… C’est parfait pour vider son cerveau.

Deuxième passe : écrire pour son lecteur.

Ça commence par se demander qui est son lecteur, ce qu’il vit et ce que notre message va changer pour lui. Pourquoi ça doit l’intéresser, que va-t-il en faire et qu’est-ce qu’il a besoin de savoir, de comprendre et de ressentir pour le faire ? Quand c’est bien clair, la structure de notre message devient claire elle aussi.

Je vais alors généralement utiliser un feutre de couleur pour tracer le plan de mon intervention comme un chemin entre les idées de mes notes. Et tant pis si je laisse une partie des idées sur le bord de la route. Ce plan devient alors le brouillon de notre discours, de notre texte, de notre conférence. C’est mécanique.

Troisième passe: écrire pour ses haters.

La troisième passe est une passe critique.

Une façon de la voir c’est de se dire qu’on écrit pour les haters, ceux qui seront sceptiques et critiques. C’est le moment où l’on va traquer et corriger les faiblesses de notre propos. Que ce soit les arguments un peu faibles, les références imprécises ou les généralités vagues.

Il y a deux tests imparables à ce stade, celui du «Et alors ?» et celui du «Prouve-le». Ça consiste à se demander, pour chaque idée clé ou affirmation, si on a bien montré au lecteur que c’est important et démontré que c’est vrai.

Si je fais une note d’information pour présenter les changements dans l’offre commerciale, et que je ne prend pas le soin de montrer en quoi ça va impacter les collaborateurs, il y a de fortes chances que ça finisse dans le dossier «à lire» qui est juste entre la banette «à classer» et la poubelle. De la même façon, si je dis qu’elle va être plus simple, mais que je ne le montre pas, l’argument ne sera même pas entendu.

Clé N°2 : Commencer par la fin pour mieux convaincre

Donc : première clé, écrire en trois passes. Pour soi, pour son lecteur, pour les haters.

La deuxième clé c’est de commencer par la conclusion, en une phrase.

C’est la technique «Sarko vs Hollande» comme me l’a un jour expliqué ma chère amie Clotilde avec son sens inégalé de la formule : « Quand un journaliste demande à Hollande s’il faut laisser la Turquie adhérer à l’Europe, Hollande commence par rappeler l’histoire de la Turquie, Ataturk, la laïcité, le vote des femmes dès les années 20, le virage islamiste, Erdogan … On se demande tout du long où il veut en venir et, à la fin, quand il donne sa conclusion, tout le monde a décroché depuis longtemps car ça fait 5 minutes qu’on empile des arguments en attendant de savoir quoi en faire. Sarko communique à l’exact opposé : Écoutez, je crois que, non, la Turquie n’est pas encore prête à entrer dans l’Europe. Laissez-moi vous expliquer pourquoi. La Turquie, grand pays, Ataturk, le vote des femmes …pourtant virage islamiste, Erdogan, les Kurdes … etc. Chaque idée est posée en lien avec la conclusion qu’il a déjà annoncée et on la valide argument par argument. C’est beaucoup plus efficace. »

Commencer votre texte ou votre intervention par la conclusion ça lui donne beaucoup plus d’impact.

Mais, au-delà de l’astuce, ce qu’il faut retenir c’est aussi que dès que notre lecteur s’arrête pour se demander quoi faire de ce qu’on vient de dire, on prend le risque de le perdre.

Ça veut dire que le vocabulaire trop recherché ou les tournures de phrase compliquées sont nos ennemis. Ça veut dire aussi que le lecteur ne doit jamais se demander longtemps pourquoi on apporte un élément nouveau.

Si on veut emmener le lecteur avec nous, il faut s’assurer qu’on balise le chemin. Mettre des titres, donner le plan, soigner les transitions, rappeler les points clés.

Encore une fois, on ne fait pas de littérature (malheureusement) mais de la vente.

Celui qui a une bonne idée mais ne sait pas la vendre, n’est pas plus avancé que celui qui n’en a pas.

Abraham Lincoln

Clé N°3 : L’efficacité avant le style

La troisième et dernière clé c’est, justement, de rechercher l’efficacité plutôt que la finesse ou l’élégance.

Une astuce c’est d’écrire comme on parle et de lire son texte à haute voix pour le vérifier. Dès qu’on fait des phrases trop compliquées, on le sent à l’oral car on perd l’auditeur, et car ça sonne faux, artificiel.

J’aime bien aussi la check-list CUB, aide-mémoire pour : Complex, Useless, Boring. Passer son texte en revue et éliminer tout ce qui est confus, inutile ou ennuyeux.

En termes d’écriture, ça veut dire raccourcir les phrases et les simplifier. Supprimer autant d’adverbes que possible. Traquer les subordonnées relatives (dont, qui, que …) et couper la phrase en deux. Sujet, verbe, complément: c’est pauvre mais clair.

Ce qu’on perd en style on le gagne en efficacité.

J’en suis encore loin, souvent, mais si aviez lu ce que j’écrivais il y a 10 ans … vous ne l’auriez pas lu, justement, tellement c’était long et confus 😉

Alors je vais continuer à écrire en cherchant à m’améliorer. Et je compte sur vous pour me faire des feedbacks quand ce que j’écris n’est pas clair, ou que je vous ai perdu en route.

Pour aller plus loin :


Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut