[Cet article a été initialement publié dans la newsletter du 1er mai 2022. Vous pouvez également le retrouver sur le podcast]
Le confinement de 2020, avec le passage forcé au télétravail massif qu’il a entraîné, a mis un coup de projecteur sur une dimension essentielle du management : la confiance.
Diriger une équipe ou une entreprise c’est prendre la responsabilité du résultat de travaux qui seront effectués par d’autres.
Et c’est assez angoissant.
L’importance de l’autonomie de l’équipe
Que se passe-t-il si mes collaborateurs font mal leur travail, s’ils ne sont pas fiables ? Je devrais peut-être vérifier ce qu’ils font quand je ne suis pas là… Ou je devrais peut-être faire moi-même les actions les plus importantes. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
À ces craintes, j’ai envie d’opposer le raisonnement inverse : que se passe-t-il si mes collaborateurs sont capables de plein de choses mais que je ne leur en laisse pas la possibilité parce que je veux tout vérifier ?
Est-ce qu’il vaut mieux contrôler tout ce qui est fait, quitte à être le facteur limitant de mon équipe, ou viser le déploiement maximal des capacités de chacun, quitte à risquer quelques imprévus ?
Dit autrement, est-ce qu’on vise 100% de certitude sur 100 de résultats ou 90, 80, voire même 60% de certitude sur 200 de résultats ?
L’autonomie que l’on laisse à son équipe est un risque, mais c’est aussi une chance.
Et c’est surtout une réalité qui s’impose à nous.
Vous ne pouvez pas tout vérifier
Imaginons que vous ayez investi vos économies pour reprendre un fond de commerce et ouvrir une boulangerie. Vous ne pouvez pas à la fois contrôler ce qui se passe au fournil et en magasin. Vous ne pouvez pas être là de 7h du matin à 20h, 6 jours par semaine.
Vous pouvez mettre des caméras pour surveiller ce qui se passe quand vous n’êtes pas là, vous pouvez mettre une caisse automatique qui rend la monnaie sans donner accès à l’argent aux vendeuses, vous pouvez faire des visites surprise à toute heure mais vous ne pouvez pas contrôler le ton de voix et l’attitude de la vendeuse quand elle accueille un client, vous ne pouvez pas vérifier le soin que met le tourier à former les croissants, vous ne pouvez pas être là 24h/24.
La réussite de votre magasin c’est ce que font vos employés quand vous n’êtes pas là. Et si c’est impossible à contrôler pour un métier aussi concret que la boulangerie, comment pourriez-vous imaginer contrôler précisément ce que font vos commerciaux, vos informaticiens, vos chauffeurs … tous ces collaborateurs qui ne travaillent pas sous vos yeux ou dont le travail est immatériel.
Si l’on admet donc que l’autonomie du collaborateur s’impose à nous, on doit également admettre que plus cette autonomie sera grande, plus grandes seront les capacités de notre équipe, ou de notre entreprise.
Avoir confiance en soi pour faire confiance aux autres
Or la confiance c’est la clé de cette autonomie. La confiance en soi, et la confiance en l’autre, pour nous comme pour notre collaborateur :
- La confiance que l’on place en son collaborateur pour faire ce qu’il faut.
- La confiance que le collaborateur a en lui, et qui conditionne sa réussite.
- La confiance que le collaborateur a en nous, et qui l’autorise à prendre des risques.
- La confiance que l’on a dans nos propres capacités à surmonter les éventuelles erreurs de notre collaborateur, qui nous autorise à prendre ce risque.
La confiance que l’on peut accorder à l’autre est intrinsèquement liée à la confiance que l’on se fait, à sa confiance en soi.
Avoir confiance en soi, en ses capacités, ça ne signifie pas qu’on est sûr à 100% d’avoir raison. Ça veut juste dire qu’on se sait capable de surmonter l’erreur ou l’échec.
La confiance en soi permet le risque ; le risque permet le progrès. Il n’y a pas de victoire facile, il n’y a pas d’échec définitif.
Avoir confiance en soi c’est être capable de dire « je ne sais pas », s’autoriser à avoir eu tort et à changer d’avis.
Alors, comment développer sa confiance en soi si, justement, on sait que l’on n’a peut-être pas 100% de chance de réussite ?
Face au doute, la première chose à faire, me semble-t-il, c’est justement de faire. Le doute quant à nos capacités peut être paralysant et contre la paralysie, le meilleur remède c’est l’action. Agir c’est commencer à avancer vers le résultat. Ça ne tue pas le doute mais ça le rend hors sujet. J’agis, j’avance, je fais ce qu’il faut et on verra bien si les résultats sont là.
Je peux aussi me mesurer, me comparer, pour me rassurer. À condition de me comparer à moi-même, pour mesurer mes progrès plutôt qu’aux autres pour mesurer mes lacunes. Constater que je m’améliore consolide la confiance que je peux placer dans mes capacités. Cela confirme que je peux réussir demain là où je n’ai pas encore eu de succès.
On peut aussi se sécuriser avec un cadre, ou un rituel. Avant d’escalader une paroi, s’encorder. Dans le doute, suivre le process. Face à l’angoisse de la feuille blanche, commencer à écrire ce que l’on voit.
Imaginer l’échec et construire un plan B est aussi un bon moyen de faire taire le doute : au pire, j’aurai perdu quelques heures et j’irai demander à Robert de m’aider, quitte à essuyer son sarcasme, il n’y a pas mort d’homme.
Et d’ailleurs, si plutôt que Robert le sarcastique, je m’entoure de gens qui sauront soutenir et valoriser mes tentatives de progrès et mes prises de risque, est-ce que cela ne renforcera pas ma confiance ?
Cela montre d’ailleurs le rôle que nous pouvons avoir, comme managers ou dirigeants, dans la construction de la confiance que nos collaborateurs développent, et qui libère leur capacité à réussir.
Je veux des collaborateurs responsables, SVP
Pour booster la confiance de nos collaborateurs, la première chose que l’on peut faire c’est l’accorder, notre confiance. Responsabiliser les collaborateurs que l’on sait compétents.
Dire que l’on leur fait confiance et que l’on assume la responsabilité des résultats. Montrer notre confiance pour leur donner confiance en eux.
Leur donner un cadre et des limites claires, également. Cela limite notre risque et cela limite leur responsabilité, ce qui bien souvent les libère. Proportionner l’autonomie à l’enjeu et à la compétence.
Chez Goood nous aimons parler de collaborateurs SVP : Sachant, Voulant et Pouvant faire ce qu’il faut dans les circonstances.
Pour nous managers cela veut dire :
- développer la clarté du cadre et des attentes, ainsi que la compétence pour la mission (S de Savoir ce qui est attendu et Savoir comment le faire),
- travailler sur les facteurs de motivation et montrer le sens et la valeur du travail (V : de Vouloir bien faire)
- s’assurer que le collaborateur a le Pouvoir, les moyens de bien faire : le temps, les informations, les ressources…
C’est du boulot mais c’est notre boulot, comme managers et dirigeants.
Et j’aime rappeler que le manager grandit avec les capacités de l’équipe qu’il encadre.
Pour aller plus loin:
- Le livre de Charles Pépin : La Confiance en soi, une philosophie
- Le livre «The Trust Edge» de David Horsager,
et la présentation des 8 piliers de la confiance sur le blog de l’auteur : The 8 Pillars of Trust
- Les deux types de confiance et pourquoi la deuxième compte plus : There are 2 types of confidence. Here’s the one that Jeff Bezos has—and why people judge you on it the most
- Le «Trust project» de la Kellogg University : Cultivating Trust Is Critical—and Surprisingly Complex
- Hasard du calendrier, Cédric Watine a justement publié cette même semaine une interview de Martin Tronquit sur la confiance comme source d’excellence.
Si vous n’avez pas le temps d’écouter tout l’épisode, qui est passionnant, je vous recommande de sauter directement à la 35e minute ou Martin parle de sa vision de la confiance comme facteur d’excellence pour son entreprise. Faire confiance au collaborateur et, du coup, le mettre en première ligne face au client oblige ce collaborateur à se responsabiliser et à faire son meilleur travail ou à venir demander à son manager quand il n’est pas tout à fait sûr. Le manager gère alors son équipe comme un portefeuille d’actifs, certains plus à risque que d’autres. Décapant.
Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.
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