[Cette chronique a d’abord été publiée dans la newsletter du 31 mars 2024. Abonnez-vous]
Je ne sais pas si c’est vraiment au pied du mur qu’on voit le mieux le mur. Ce jeudi nous étions en journée de travail avec mes associés pour tenter de résoudre une difficulté structurelle qui nous résiste depuis des années.
Toutes les options semblaient apporter autant de problèmes que de solutions, et rien de bien évident ne se dégageait… jusqu’à ce qu’on prenne un peu de recul, avec l’aide de la consultante qui nous accompagne et d’un modèle simple pour décrire les différentes dimensions du leadership.
Ce simple changement de perspective a rapidement ouvert de nouvelles options, invisibles auparavant.
Un peu comme quand on fait le tour du mur au lieu d’essayer de le franchir.
Prendre du recul grâce aux modèles
Ça m’a rappelé pourquoi j’aime autant les théories, les modèles à quatre quadrants et autres diagrammes de Venn : se détacher quelques heures des réalités terrain de son entreprise pour la regarder avec la distance offerte par un modèle ça peut parfois être très éclairant.
Ça m’a amené à me demander quel modèle utiliser comme base du projet Mille Mentors.
Mon ambition, dans ces chroniques, sur la chaîne Youtube, et dans les produits que je souhaite créer un jour, c’est d’aider des dirigeants comme moi à structurer leur entreprise pour qu’elle soit pérenne et rentable, même en leur absence. Nous pourrons ainsi tous prendre enfin de vraies vacances ou une retraite méritée, sans craindre que la boîte à laquelle on a consacré tant d’années, ne péréclite.
Prenons du recul : qu’est-ce qu’il faut à notre entreprise pour qu’elle soit pérenne et rentable ? Ça me semble simple à énoncer, à défaut d’être facile à réussir :
Comment s’organise l’entreprise ?
Une entreprise n’existe que si des clients payent pour un service ou un produit auquel ils attachent de la valeur. Et elle ne dure que si le prix payé par ces clients est supérieur à ce que coûte la création de cette valeur.
L’entreprise s’organise donc autour d’une proposition de valeur, et d’une volonté de positionnement : quels clients nous voulons servir, pour leur apporter quelle valeur, avec quelle spécificité qui justifie notre existence.
Le cœur de notre boite s’organise ensuite autour de 3 grandes fonctions qui font la chaîne de valeur :
Premièrement, la conception de la valeur, qui peut être le marketing ou la R&D, l’innovation, ou bien encore le sourcing (dans une entreprise de négoce par exemple). Ce qui compte c’est d’être capable de bien cerner, ou anticiper, ce qui aura de la valeur pour les clients et de trouver de nouvelles manières de le leur apporter (car pourquoi viendraient-ils chez nous si on ne propose pas mieux que ce qu’ils ont déjà ?)
Ensuite la vente de la valeur : il s’agit de trouver les clients, qu’ils perçoivent la valeur de notre offre et qu’ils prennent la décision d’acheter. Cela va recouvrir les activités de prospection dans certains métiers, de communication, promotion, de distribution et-ou d’ouverture de magasins dans les meilleurs emplacements. Et, évidemment, cela englobe également toutes les activités commerciales, de proposition, négociation, et même facilités de paiement.
Enfin il faut livrer la valeur avec la production, le pilotage de projets, parfois les approvisionnements et la logistique, et le service aux clients, à l’installation ou en garantie après vente.
Un moteur à trois temps, donc, avec la conception, la vente et la livraison de la valeur. Et, pour faire fonctionner ce moteur, il faut un carburant et une courroie de distribution.
Cinq méta systèmes pour une entreprise fonctionnelle
Le carburant c’est l’argent et il y a donc autour de cette chaîne de valeur un système qui anticipe les besoins, collecte et émet les paiements et s’assure que tout ceci est fait dans les règles. C’est le système financier, à qui on demande généralement de prendre en charge les aspects administratifs et les services de soutien transverse à la chaîne de valeur.
La courroie de transmission c’est le management, qui aligne, oriente, cadence et s’assure que le tout que l’on a découpé en fonctions spécialisées reste un tout cohérent qui remplit sa promesse client.
Une volonté de positionnement + cinq méta systèmes :
- identifier et concevoir la valeur que les clients achèteront
- la leur vendre
- la leur fournir
- collecter l’argent et le redistribuer
- organiser le tout
Finalement c’est assez simple l’entreprise.
Pas facile, mais simple.
Trouver le chemin
Et la beauté du modèle c’est qu’il nous fournit une carte, ou peut-être plutôt une vue satellite, de la structuration possible de notre entreprise
Si ça ne marche pas, ce modèle permet de se poser la bonne question : quelle est la composante qui ne fonctionne pas ? Toute chose égale par ailleurs quel est LE changement qui aura le plus grand impact ?
Et si ça marche, mais qu’on en est, nous, un maillon critique, ce qui nous y enferme, cela permet d’envisager notre libération.
Car, pour que l’entreprise tourne sans nous, il suffit que chacune de ces 5 fonctions clés soit autonome.
Et pour ça on n’a besoin que de trois choses :
- Un système
- Une équipe
- Des sécurités
L’importance des systèmes
Avoir un système ça veut dire savoir ce qu’il faut faire pour obtenir les résultats, et pouvoir le transmettre ou l’enseigner à d’autres. Un système d’acquisition de prospects ça peut être de la prospection téléphonique, de la publicité, l’ouverture de magasins dans des emplacements stratégiques… l’essentiel c’est d’en avoir un. Et il faut également un système de management, un système de production, un système de pilotage financier … etc.
Ces systèmes sont opérés par des collaborateurs, qui doivent parfaitement savoir ce qui est attendu d’eux, être mobilisés pour obtenir des résultats et en capacité de le faire.
Et si on ne veut pas courir partout, tout le temps, à boucher les fuites d’eau, il faut des garde-fous, ou des sécurités. C’est-à-dire des moyens de s’assurer que les équipes suivent les systèmes. Ça peut passer par des process formalisés, des check-list ou des points de passage obligés, des objectifs, des indicateurs d’activité, du reporting ou du management visuel … le choix est large.
En réunissant le tout, nous avons cinq grandes fonctions et trois composantes pour chaque fonction : voici donc, mesdames et messieurs, le méta modèle qui doit permettre de diagnostiquer n’importe quelle activité. Avec huit questions :
- Quelle est la stratégie et la volonté de positionnement ?
- Quel est le système pour identifier et concevoir la valeur à créer ?
- Quel est le système pour trouver les clients et leur vendre l’offre ?
- Quel est le système en place pour livrer la valeur vendue ?
- Quel est le système qui s’assure qu’on a évalué et satisfait les besoins de cash, qu’on facture et qu’on encaisse, qu’on paye et qu’on déclare ce qu’on doit ?
- Et enfin, quel est le système de management et de gouvernance qui s’assure que chacun fait son boulot et met les priorités au bon endroit pour que le tout reste intègre ?
- Et, pour chacun de ses systèmes, qui sont les équipes en place, qui a quel rôle et quels sont les garde-fous qui sécurisent le collectif en face de l’autonomie individuelle ?
- À quel(s) endroit(s) suis-je le maillon critique de ces systèmes et comment pourrais-je être remplacé ?
Dans le fond, Kurt Lewin avait raison : rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie
Pour aller plus loin:
Je vous renvoie aux différents auteurs dont les idées ou les modèles sont venues s’agréger pour former ce modèle :
- Peter Drucker à qui je dois la compréhension que la rentabilité est l’oxygène de la chaîne de valeur, pas sa finalité
Innovation and Entrepreneurship: Practice and Principles
- Jacques Horovitz qui décompose la chaîne de valeur en trois composantes dans L’Entreprise humaniste : Le management par les valeurs
- Olivier D’Herbemont qui m’a initié à la modélisation de l’entreprise au travers de ses processus maîtres
Booster l’intelligence collective: La stratégie agile de transformation durable des organisations
- David Finkel qui ne voit que trois processus maîtres (vendre, produire, facturer) mais y ajoute le triptyque systèmes, équipes, sécurités.
Scale: Seven Proven Principles to Grow Your Business and Get Your Life Back
- Mickael Gerber qui m’a convaincu que le rôle du dirigeant n’est pas de travailler dans son entreprise mais sur son entreprise pour qu’elle ne dépendent pas de lui pour fonctionner, et de la nécessité pour cela, de savoir la modéliser
E-myth : Le mythe de l’entrepreneur revisité: Pourquoi la plupart des petites entreprises échouent et que faire pour réussir
Et, pour les curieux, le modèle que nous a partagé Stéphanie pour nous faire avancer :
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Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.