[Cette chronique a d’abord été publiée dans la newsletter du 23 juin 2024. Abonnez-vous]
Le 9 juin dernier, alors que j’envoyais ma 105ème newsletter, j’étais loin de me douter que le Président de la République allait, dans la foulée de l’annonce des résultats, prendre la décision de dissoudre l’Assemblée Nationale.
Je me demande comment il est arrivé à cette décision, et les journaux sont pleins d’indiscrétions sur le rôle des conseillers occultes et des visiteurs du soir, mais, finalement, peu importe. Il a, nous avons, maintenant à vivre avec les conséquences de ce choix.
Et ça doit nous rappeler que, comme dirigeants, nous avons la responsabilité de peser sérieusement nos décisions.
Diriger, c’est décider
Alors j’ai déjà évoqué plusieurs fois ici le sujet de la décision, tant il est vrai que c’est le cœur de notre métier : diriger c’est décider.
J’ai exploré la dimension émotionnelle de la décision, les asymétries, le risque et l’analyse, les dimensions temporelles ou la résistance, mais je n’ai jamais pris le temps de me demander s’il y a une checklist ou une séquence à respecter, pour être sûr de ne pas se tromper.
Car l’ordre dans lequel on fait les choses compte, parfois.
Si vous mélangez le chocolat en morceaux et les oeufs entiers, puis que vous battez le tout avant de le mettre au bain-marie, je ne sais pas ce que vous obtiendrez, mais ça sera sans doute assez loin de la mousse au chocolat.
Dans quel ordre faut-il examiner une question au moment de prendre sa décision ?
Je suppose que la première question à se poser c’est « quelle est la (véritable) question ? » ou « De quoi on parle, en fait ? ». Trop souvent je m’aperçois que la question initiale dont nous débattons comporte des zones de flou et que nous ne répondons pas tous à la même question.
« Qu’est-ce qu’on fait au sujet des locaux ? » peut ainsi recouvrir aussi bien « Est-ce qu’on continue de chercher des locaux ? » que « Est-ce qu’on fait appel à une agence pour trouver des locaux ? » ou « Est-ce qu’on doit revoir notre budget ? »
La clarté est fondamentale. Comment va-t-on pouvoir discuter intelligemment d’une décision si on ne parle pas des mêmes choses ? Que cherchons-nous à résoudre, exactement ?
La deuxième question, qui me vient immédiatement à l’esprit, c’est « pourquoi ? ». Pourquoi est-ce un problème ? Pourquoi est-ce qu’on se pose cette question ? Pourquoi on envisage cette décision ? Pourquoi maintenant ? Quel est l’enjeu ?
Prendre une bonne décision, c’est évaluer plusieurs alternatives et choisir l’option dont on pense qu’elle aura le plus de chance d’avoir l’impact recherché. C’est donc utile de vérifier si on est bien au clair sur l’impact en question.
Et quand on a identifié l’enjeu, on va peut-être se rendre compte que la question initiale n’est pas la bonne, ou qu’elle nous limite. Il arrive que la question, telle qu’elle est formulée, intègre déjà le choix inconscient d’une solution parmi d’autres, pourtant également possibles.
Si je demande « Qui s’occupe du gâteau pour l’anniversaire de Xavier ? » je laisse moins de choix que si je demande « Comment pourrions-nous célébrer l’anniversaire de Xavier ? »
De la même façon, « Est-ce qu’on augmente notre budget ? » nous enferme déjà dans un corridor de solution prédéterminée, alors que « Comment on augmente nos chances de l’emporter ? » ouvre plus de portes.
Les 7 questions à examiner pour prendre une bonne décision
Cet exemple, d’ailleurs, montre quel doit sans doute être l’étape suivante : questionner l’étendue des options, les alternatives. En n’oubliant pas de vérifier que l’enjeu initial, notre « Pourquoi » n’est pas perdu de vue : en quoi les options envisagées permettent-elles de résoudre le problème initial ?
Dans la foulée, je propose d’interroger les moyens, d’abord le « Comment ? » puis le « Qui ? » et le « Quand ? »
Ainsi, il me semble que si, lorsqu’on a une décision importante à prendre, on s’assure que:
- l’on a clairement précisé de quoi on parle,
- qu’on a explicité pourquoi c’était un sujet majeur et quel était l’enjeu,
- qu’on a exploré ce qu’on pourrait imaginer comme réponses
- et vérifié en quoi elles permettent bien de résoudre le problème,
- qu’on s’est demandé comment on pourrait procéder,
- qui allait le faire
- et quand
… on a déjà pas mal dégrossi la question, et augmenté nos chances de prendre une décision de qualité.
Le bon ordre des choses
Il reste à expliciter, au-delà de la décision, et de sa mise en œuvre, que l’on a traitées ici, sa communication : qui doit être informé, dans quel ordre, par qui et à quel moment.
Ça serait bien, par exemple, de consulter le Premier Ministre avant de prévenir les journalistes du groupe Bolloré. Ne serait-ce que pour respecter la constitution. Mais c’est une autre histoire.
Pour en revenir à nos entreprises, la qualité d’une décision va être aussi la qualité de son exécution et ça tient beaucoup à la manière dont on la communique au bon moment aux bonnes personnes.
Et vous, dans votre boîte, comment faites-vous ? Est-ce que vous, vous avez une méthode, ou une checklist, pour prendre vos décisions les plus importantes ?
Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.
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