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Être bon manager: trois choses à dire à ses collaborateurs

[Cette chronique a d’abord été publiée dans la newsletter du 6 novembre 2022Abonnez-vous]

Un des exercices que j’adore faire faire aux managers, pendant les conférences ou les formations que j’anime, s’appelle « moi manager, moi managé ».

Je prends un malin plaisir à leur annoncer que je suis un énorme imposteur, car je suis payé pour leur expliquer quelque chose qu’ils savent déjà : ce que fait un bon manager.

Je pars de l’hypothèse que la majorité de mon audience de managers est, aussi, managée, c’est-à-dire a un·e chef·fe ou un·e manager à qui elle rapporte.

C’est moins vrai dans cette newsletter, qui est lue par de nombreux entrepreneurs et dirigeants, mais vous avez peut-être déjà eu un job salarié, et donc un manager, avant de démarrer votre activité.

Et sinon, je suis sûr que des gens aussi brillants que vous sauront se projeter.
(« Flattez, flattez, il en reste toujours quelque chose » aurait aussi pu dire Beaumarchais 😉 )

Le coup du miroir

Je vais donc vous proposer de faire, avec moi, cet exercice.

Nous allons en revanche brûler un peu les étapes, par souci de brièveté.

Rappelez-vous le meilleur et le pire manager de votre carrière.

Vous vous en souvenez ? Vous vous rappelez, pour chacun d’eux, comment c’était d’être dans son équipe ?

Prenez une feuille, tracez deux colonnes. Puis listez ce qui les différencie en termes de comportements et d’action.

Dans la colonne de gauche, que nous appellerons « bon » notez ce que l’un ou l’autre faisait et qui vous aidait à performer : à vous investir dans votre job, à obtenir des résultats, à avoir de bonnes idées… etc.

Dans la deuxième colonne, intitulée « mauvais », notez tous les gestes, paroles et attitudes observables qui ont eu l’effet inverse : ce qui a bridé vos résultats, vous a démotivé, voire donné envie d’en faire moins ou de partir ; ce qui vous empêchait de proposer des idées, ou ne vous permettait pas qu’elles soient pertinentes…

Si vous avez un peu de bouteille, vous avez là une esquisse assez juste de la manière dont un manager peut libérer ou, au contraire, freiner la performance de son équipe.

Dans la salle, le public commence à s’agiter. Les gens ont envie de comparer leurs listes, de les mettre en commun.

Je les arrête avant que ça n’aille trop loin et je leur demande de passer maintenant mentalement en revue leur équipe actuelle.

Est-ce que chacun de vos collaborateurs obtient de vous ce dont il a besoin (dans la colonne 1) et pas trop de ce qu’il faut éviter (colonne 2) ?

Ah, le salaud ! Le coup du miroir.

Et oui, le coup du miroir c’est très puissant parce qu’on a tous tendance à raisonner à partir de nos besoins, et à oublier que c’est pas nous qui allons faire le gros du boulot.

Bien manager notre équipe, c’est faire le pont entre les besoins de l’entreprise (c’est-à-dire les résultats à obtenir) et les conditions à créer pour que notre équipe soit en mesure de les obtenir.

Leurs besoins, donc, avant les nôtres.

J’ai évoqué la semaine dernière, la nécessité de bien connaître son équipe, pas comme un but en soi mais comme une condition d’efficacité : être capable d’adapter son management aux besoins de chacun.

Faire le pont, le but du bon manager

Et, du coup, je vous refais le coup du miroir : puisque nous avons vu il y a une semaine ce que vous devez savoir à propos de vos collaborateurs, je vous invite aujourd’hui à réfléchir à l’autre côté du pont : qu’est-ce que vos collaborateurs doivent savoir sur vous, ou obtenir de vous, pour être performants ?

Vous avez trois minutes.

tic tac, tic tac

Le drame du mail c’est que je ne sais pas ce que vous avez répondu, mais vous pouvez me l’écrire.  

Des objectifs clairs permettent de meilleurs résultats

Voici ma réponse :

Notre job c’est de faire la jonction entre les besoins de l’entreprise et le travail de l’équipe. Pour que le travail de l’équipe produise ce dont l’entreprise a besoin.

La première chose dont l’équipe a besoin pour faire du bon boulot c’est donc… de savoir ce que c’est que « du bon boulot ». Qu’est-ce que ça veut dire « réussir » ?

Thank you Captain Obvious.

Ça parait idiot.

Pourtant, faites le test. Interrogez 3 personnes au hasard dans une même équipe et demandez-leur d’écrire en 2 phrases ce que c’est que de faire du bon boulot dans leur rôle, dans cette équipe. Comparez les réponses.

Je l’ai fait une fois avec une équipe assez large et qui pataugeait. Ils étaient 17 (en comptant la manager) et j’ai obtenu 22 objectifs différents. Ça va être difficile de tous les atteindre.

En fait chacun avait construit sa propre représentation de ce qu’il fallait réussir, en piochant dans le discours du CEO, dans le discours du N+2, dans les objectifs annuels, dans son expérience des difficultés clients… tous avaient un peu raison car tous voulaient faire avancer les choses dans la bonne direction, mais au global cette équipe n’allait nulle part et avait les pires difficultés à s’aligner.

Comme je le dis souvent : « on ne peut pas être d’accord sur la solution si on n’est pas déjà d’accord sur le problème que l’on cherche à résoudre ».

L’entreprise a un ou des objectifs stratégiques, des jalons tactiques à franchir. Vous avez vous même des attentes particulières ou des enjeux personnels… tout ceci s’exprime par différentes touches et à différents moments du discours managérial, se mélange et finit par se confondre dans la tête de nos collaborateurs.

Pour permettre à l’équipe de mobiliser ses compétences et d’obtenir les meilleurs résultats, elle a donc besoin d’avoir une grande clarté quant à ce qui définit un bon résultat.

Ça veut dire que notre job, comme managers, est aussi un travail de traduction des importants de l’entreprise au périmètre de l’équipe.

On peut parler d’attentes, de priorités ou d’objectifs mais l’essentiel c’est que chacun sache avec la plus grande clarté répondre à cette question : « Qu’est-ce qui compte ici et maintenant ? »

J’encourage tous les managers à avoir une discussion ouverte avec leur équipe sur le thème « Qu’est-ce que c’est faire du bon boulot pour nous ce trimestre ? » ou « À quoi on pourra dire qu’on a réussi cette année ? ».

Un exercice intéressant c’est de déterminer une échelle de performance : sur une échelle de 0 à 10, qu’est-ce qui nous vaudra un 6/10, un 8/10 ? Entre 6 et 8 c’est bien, on a fait du bon boulot. En dessous c’est un peu trop juste, il faut qu’on redresse la barre. Au delà de 8/10 c’est excellent.

Raconter par avance des histoires de résultats atteignables ou espérés, les partager et leur donner, collectivement une note, ça permet un alignement assez fin des représentations de chacun sur ce qu’on vise.

Définir les règles du jeu… ou plutôt le terrain

Une fois que ce qu’on cherche à obtenir est clair, tant quantitativement que qualitativement, la deuxième chose que l’équipe, et chacun de ses membres a besoin de savoir, c’est le contour du terrain de jeu.

Imaginez jouer à un nouveau jeu de ballon dont on vous a succinctement expliqué le but et quelques règles mais « on verra le reste en jouant, je ne peux pas tout t’expliquer ». Il n’y a pas de lignes blanches pour délimiter le terrain et l’arbitre siffle les touches ou les hors jeu selon son bon jugement. Par ailleurs, il invoque des règles nouvelles en cours de partie pour justifier son refus de certaines actions.

Combien de temps allez-vous jouer avant de quitter le terrain, démotivé ?

C’est pareil pour notre équipe. Si elle passe son temps à se prendre des murs invisibles ça va être difficile de rester mobilisée.

Pourtant beaucoup de managers ont des difficultés à préciser les règles du jeu. D’une part, parce qu’eux-mêmes jouent une partie où tout n’est pas clair. Mais aussi et souvent parce que c’est compliqué de tout détailler précisément et que l’on a peur de poser des règles qui vont se retourner contre nous.

Je trouve plus simple de cadrer par la négative : au lieu de fixer le qui, quoi, quand, comment, de dire ce que chacun doit faire ou d’organiser le travail, ce qui tue l’initiative, je trouve plus simple, et plus efficace, de fixer les limites.

J’ai même un acronyme pour ça : les «3 I» – ce qui est Impératif, Incontournable et Interdit.

Et un petit schéma :

Le blanc qui reste au milieu, vous ne vous en occupez pas, c’est leur terrain de jeu, leur espace d’initiative.

Être un bon manager, c’est aussi savoir demander ce dont on a besoin

La troisième chose essentielle c’est vous.

Car vous n’êtes pas l’entreprise. Je ne suis pas l’entreprise et ses objectifs.

Je suis, nous sommes, des humains avec ses besoins, ses modes de fonctionnement, ses leviers de motivation et ses préférences de fonctionnement.

Et, comme mes collaborateurs ont des conditions de performance ou de stress, moi aussi, pour bien fonctionner et ne pas activer tous mes travers, j’ai mes besoins à satisfaire.

Or je ne suis pas fourni avec le manuel.

Donc, pour que mon équipe soit performante, managée par moi, il vaut mieux qu’elle sache précisément de quoi j’ai besoin dans ma relation avec eux.

Surtout que c’est moi qui vais juger de leur performance.

Donc : Qu’est-ce que je veux valider, et de quoi je veux être juste tenu au courant ? De quel niveau de détail j’ai besoin, sur quels sujets ? À quelle fréquence ?

Et comme je suis moi-même, assez souvent managé, ou que je dois rendre des comptes à mes actionnaires ou à mon board, ça veut dire que j’ai moi aussi des objectifs à atteindre et une performance évaluée à l’aune de critères fixés par mon « patron ».

Comme ça va driver mes évaluations, ça peut influencer ma sensibilité à certains comportements, résultats ou à certaines erreurs de mes collaborateurs.

Pour éviter de passer mon temps à écoper ou à craindre les sorties de route, le plus simple est peut-être de le leur partager.

J’ai vu il y a quelques années une conférence d’un « Sensei » Toyota qui expliquait que, chez le constructeur japonais, le job du manager c’est d’apprendre à l’ouvrier à voir le travail avec les yeux du client.  

J’aime beaucoup cette idée, qu’on peut généraliser. Voir le travail avec les yeux de celui que l’on sert, et à qui l’on rend des comptes.

Selon la culture de l’entreprise, ça sera le client… ou l’actionnaire (on l’embrasse).

D’ailleurs, si vous êtes le patron, c’est à vous d’en décider.
Je ne vous juge pas.

Pour aller plus loin :

Les ressources que j’ai à vous proposer pour aller plus loin dépendent du moment où vous lirez cette chronique :

Jusqu’à mardi 9h vous pouvez vous inscrire à la masterclass.
Même si vous n’êtes pas dispo de 11h30 à 13h, car les inscrits auront accès au replay.

Si vous lisez cette chronique plus tard, peut-être que j’aurai programmé une deuxième session. Ça va dépendre des retours.

Et d’ici la fin de l’année (2022), j’espère sortir le mini livre management qui a suscité l’organisation de ma masterclass, pour me confronter à vos questions afin de mieux y répondre.


Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.

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