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Décider comme un dirigeant

[Cette chronique a d’abord été publiée dans la newsletter du 9 octobre 2022Abonnez-vous]

En ce moment je suis face à une décision difficile à prendre pour ma boite.
C’est pas la première fois, et c’est sûrement pas la dernière.

Les décisions difficiles, c’est même un peu le lot quotidien des dirigeants.

Si les décisions étaient évidentes et faciles, on n’aurait pas tellement besoin de nous.

Après tout le rôle du responsable c’est d’assumer le choix pour le collectif et la responsabilité des conséquences.

Et, justement, c’est bien ça qui rend certaines décisions difficiles.

Pas d’échappatoire pourtant. On peut parfois repousser un peu le moment de trancher mais on ne peut malheureusement pas suspendre indéfiniment le cours des choses.

Ne rien décider, c’est laisser le temps et les circonstances prendre la décision à notre place. Et je trouve ça pas très cool d’être responsable des conséquences d’une décision qu’on a laissé les autres prendre pour nous.

Cela dit, quand on n’arrive pas à prendre la décision, comment faire ?

Des choix difficiles: oui, mais pourquoi ?

Je vais vous proposer quelques idées mais, avant ça, il peut être utile de discerner ce qui fait la difficulté.

Il y a deux grandes raisons qui peuvent expliquer qu’on ait du mal à faire un choix :

  • certaines décisions sont évidentes mais on se refuse à le voir car elles sont douloureuses
  • certaines décisions sont difficiles car on n’a pas tous les éléments : la situation, ou les conséquences sont mal déterminées

Dans le premier cas, l’expérience montre qu’il vaut mieux prendre son courage à deux mains et y aller franco.

Repousser la décision qu’on sait devoir prendre ne va pas la rendre plus facile.

Au contraire, c’est même la double peine : on aura la douleur le jour où on passera à l’acte, mais on l’a aussi un peu chaque jour par anticipation d’ici là. Et, en revanche, on n’aura les bénéfices qu’après. Donc autant agir vite.

Comment mieux décider lorsque les décisions sont confuses ?

Maintenant qu’on a réglé leur sort aux décisions douloureuses, intéressons-nous aux décisions confuses.

C’est vraiment difficile de prendre la décision quand on n’a pas toutes les clés, mais c’est justement l’essence du sujet.

Si on avait toutes les clés, il suffirait de comparer les options et de choisir la plus avantageuse. Si on a besoin que le ou la cheffe décide, c’est bien parce que le choix n’est pas clair.

Certains problèmes peuvent toutefois être dégrossis, notamment en faisant appel à une analyse d’expert. C’est la base et ça mérite donc de se demander si on est face à un sujet où quelqu’un de plus spécialisé pourrait nous aider.

Si, par exemple, vous hésitez à recruter quelqu’un, vous pouvez peut-être trouver un expert pour tester ses capacités techniques. Si vous hésitez à acheter une entreprise, vous pouvez demander un audit comptable ou juridique.

Ce sont des exemples évidents mais il y a aussi plein de plus petites décisions qui peuvent être éclairées par l’avis d’une tierce personne connaisseuse du sujet.

Attention toutefois, ce n’est pas l’expert qui va faire la décision. Dans les deux exemples ci-dessus, c’est bien à nous que revient la décision, et la responsabilité. L’avis d’expert ne fait que préciser les arguments.

Le regard croisé: un outil pour décider, à utiliser délicatement

La deuxième piste pour éclairer une décision, c’est le regard croisé d’un petit groupe. Si vous demandez à chacun des membres de votre codir de vous reformuler la situation telle qu’il ou elle la perçoit et de vous dire ce qu’elle ferait si c’était à elle de décider, vous aurez démultiplié les angles de lecture sur le problème et les options.

Attention, toutefois, aux trois pièges de ce mécanisme :

  1. Il faut éviter le groupthink où le premier à s’exprimer influence les suivants et où l’enchaînement des confirmations crée une pression psychologique terrible à suivre l’avis du groupe. Pour cela, demandez à chacun de faire son analyse par écrit, avant de la partager et expliquez bien la nécessité d’entendre les perceptions différentes : c’est le but !
  2. Deuxièmement, il ne faut pas créer l’impression que vous abdiquez votre responsabilité. Reprenez-les dès qu’ils emploient des verbes comme falloir et devoir. Vous ne demandez pas à votre équipe de vous dire ce que vous devez faire. Vous leur demandez comment ils perçoivent la situation et ce qu’ils feraient pour enrichir votre analyse. Effet secondaire, cela les amène aussi à voir que tout le monde ne perçoit pas les choses comme eux.
  3. Le troisième piège, ça serait de vouloir prendre sur vous de faire une synthèse entre toutes ces idées. Ça donne ce que j’appelle la stratégie Frankenstein : un bout de l’un recousu maladroitement avec un bout de l’autre, et on sait que c’est pas viable. Non, c’est vous qui décidez avec ce qui vous semble la meilleure option. Avoir entendu les points de vue différents permet en revanche de voir plus d’options, de reconnaître ce qu’on ne veut pas faire, de comprendre comment son équipe voyait les choses et de mieux faire la pédagogie de sa décision.

Et, quand malgré tout, la décision reste encore incertaine, rappelez-vous de ce que dit très bien Charles Pépin : lorsqu’on a toutes les informations, on ne décide pas, on choisit.

Réduire l’incertitude

La décision c’est l’acte qui met fin à l’incertitude.

Mais si vous n’êtes pas prêt à décider, et à défaut de mettre fin à l’incertitude, peut-être pouvez-vous la réduire : demandez-vous si cette décision doit être entièrement et définitivement prise en une seule fois.

Peut-être que vous pouvez réduire le champ des possibles à deux ou trois options probables au milieu d’un océan d’incertitudes, maintenir celles-ci ouvertes jusqu’à une certaine date et fermer les autres immédiatement.

Peut-être que vous pouvez décider de lancer un ballon d’essai pour valider une hypothèse.

Et, à la fin des fins, pariez.

Edgar Morin, je le cite souvent, disait: « dans un environnement complexe, toute décision est fondamentalement un pari ».

Dans un monde qui évolue en continu, et où vous ne pourrez jamais anticiper et contrôler toutes les actions et les réactions des acteurs, fussent-ils proches et connus comme le sont vos collaborateurs, vos patrons ou vos clients, il est illusoire d’attendre la certitude sur les conséquences de vos décisions.

Être responsable, je me répète, c’est assumer les conséquences de ses décisions, et de ses indécisions. Même lorsqu’on ne pouvait pas savoir ce qui allait se passer.

La bonne décision c’est pas celle qui a une garantie de succès, c’est celle qu’on sera capable d’assumer d’avoir prise même si elle foire.

Demandez-vous quelle décision est la plus cohérente avec l’identité de votre boîte, avec votre identité.

Se comporter en leader c’est pas avoir toutes les réponses, c’est avoir le courage de montrer une direction dans le brouillard et avoir confiance dans l’équipe pour vous suivre et réussir.

Ce qui fait de vous des leaders, ce n’est pas votre expertise ou votre intelligence. Ce qui fait de vous un leader, une personne que les autres suivent, c’est votre courage, votre intégrité, votre confiance dans les autres et l’avenir, votre humanité.

Face à l’incertitude, soyez différent·e, soyez génial·e : restez authentique, restez vous-même !

Et profitez du voyage ?

Pour aller plus loin :

Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.

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