[Cet article a été initialement publié dans la newsletter du 24 avril 2022]
Comme dirigeants, d’une entreprise ou même d’un service ou d’une équipe on est parfois pris de doute quant aux priorités.
« On est en retard sur les objectifs, il faut arrêter de se disperser et clôturer les projets en cours ».
« Oui, mais les équipes sont fatiguées, elles ont besoin d’un peu de fun et de diversité pour garder la motivation. Si on les pressure trop avec les objectifs, ils risquent de partir, ou de se mettre en arrêt…»
C’est vrai, comment arbitrer ? Et puis, il y a ce sentiment inquiétant de perdre de la vitesse, ça fait longtemps qu’on n’a pas fait d’innovation…
Ça vous évoque une situation familière ? C’est normal.
C’est normal parce que le job de dirigeant.e, ou manager, nécessite de composer en permanence avec des exigences contradictoires : le développement et la rentabilité, la performance et l’apprentissage, la fiabilité et l’innovation …
Le rôle du manager : obtenir des résultats (mais lesquels ?)
C’est même exactement pour cette raison que l’on a créé le management : comme il y a plein d’attentes contradictoires, il faut donner une direction et coordonner l’ensemble des efforts en un tout cohérent.
En février j’ai introduit le modèle des 4 cadrans, qui matérialise les deux dimensions de ce qu’on attend du manager : des résultats. Des résultats aujourd’hui et demain, en exploitant et en entretenant les actifs d’aujourd’hui et en les renouvelant.
Xavier m’avait fait le feedback qu’il manquait à ce modèle un ancrage (acronyme, symbole, couleur…) pour aider à s’en souvenir.
Du coup j’ai ajusté les noms des 4 cadrans : Résultats, Développement, Rétention, Décalage – R2D2. ?
Cela dit, je ne suis pas sûr que ça suffise. Vous allez retenir R2D2 mais pas ce que chaque initiale recouvre.
Alors, j’ai mieux que ça à vous proposer : une métaphore.
Une métaphore des besoins
Celle des 4 saisons :
- L’hiver rien ne bouge en apparence, la nature est au repos mais l’énergie part des racines et les idées germent.
- Vient alors le printemps, période de croissance. La plante lance ses rameaux à la recherche de lumière. Les bourgeons sont fragiles mais ceux qui passeront les frimas donneront des fleurs magnifiques.
- La chaleur monte, la croissance ralentit, c’est l’été. Toute la sève, toute l’énergie, sert à gonfler les fruits. C’est le temps de la récolte.
- À l’automne la sève commence à refluer vers les branches charpentières, les feuilles jaunies se détachent, l’arbre se dépouille.
- Puis un nouveau cycle commence, avec l’hiver où la sève redescend dans les racines.
L’avantage d’une métaphore, c’est qu’on peut la filer :
De la même façon qu’un peuplier, un pommier, un lilas et une bruyère ne poussent ni dans le même terreau, ni à la même vitesse, ainsi votre équipe, votre entreprise, n’a pas les mêmes besoins ou les mêmes développements qu’une autre.
Chaque équipe a sa raison d’être, son identité, qui gouverne son cycle de vie mais, petite ou grande, aimant l’ombre ou le soleil, elle a toujours besoin des 4 saisons :
- Le printemps c’est la prospection, la conquête, la création de produits, le recrutement, l’expérimentation.
- L’été c’est la vente, la production, la livraison, la facturation.
- L’automne c’est la rationalisation, l’analyse financière et la consolidation, mais aussi la fidélisation et la capitalisation.
- Et l’hiver c’est la réflexion, la veille, l’idéation mais aussi le repos, les vacances.
J’avais d’ailleurs fait un billet au sujet du repos hivernal aussi nécessaire en entreprise que dans la nature, à propos de la fatigue de fin d’année.
Plasticité de la métaphore ou pertinence du concept ? Je me suis rendu compte que ce modèle vaut pour l’entreprise et son dirigeant, comme pour une équipe et son manager, voire même notre carrière ou notre équilibre personnel… tout dans l’entreprise a besoin de ces 4 saisons.
Arbitrer les priorités avec le modèle des 4 saisons
Prenons un exemple. Si je suis chef de produit logiciel (je l’ai été dans le passé, d’où cet exemple «métier» que vous saurez transposer, j’en suis sûr) est-ce que mon produit a besoin, en ce moment …
– qu’on mette en chantier de nouvelles fonctionnalités attractives (printemps)
– qu’on livre les nouvelles versions et qu’on installe les clients (récolte)
– qu’on consolide et nettoie le code (automne)
– ou qu’on prenne un peu de recul sur le positionnement et la stratégie produit (hiver) ?
Sans doute un peu de tout ça, mais il y aura des périodes où il faut absolument livrer à temps pour le grand salon annuel et d’autres où il est important de consolider après avoir ajouté beaucoup de nouveaux usages.
Et comme dans la nature rien n’est jamais binaire ou à angle droit, qu’il y a de belles semaines d’été au printemps ou en automne, et des jours d’hiver en plein mois de juillet, il nous appartient aussi, comme chef.fes, de panacher les exigences et de proposer un climat équilibré et propice au développement.
En fait, on peut considérer que c’est notre responsabilité, comme dirigeants, de choisir le type de plante (enfin d’entreprise), que l’on veut faire pousser.
Puis c’est notre job, en tant que managers de bien connaître notre plante /enterprise /équipe, de savoir de quoi elle a besoin, et d’apporter du soleil (de l’attention, de l’énergie) et de l’eau (des ressources) là où c’est nécessaire.
Je n’ai pas de doute que, cette fois, vous pourrez facilement mémoriser les 4 cadrans et j’espère que cette métaphore vous sera fertile.
Soyez de bons jardiniers.
Et souvenez-vous, comme le contait le philosophe Mencius, que l’on ne fait pas pousser les plantes en tirant dessus, mais avec du soin et du temps.
Ce texte a été originellement publié dans L’hebdo de Mille Mentors, le petit mail qui fait du bien le dimanche soir : une réflexion comme celle-ci, inspirée par l’actualité de la semaine, puis quelques pépites relevées dans ma veille et une pastille détente. Pour en profiter chaque semaine en avant-première, abonnez-vous.
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